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Bulletin Quotidien Europe N° 13088

21 décembre 2022
POLITIQUES SECTORIELLES / BiodiversitÉ
Règlement 'restauration de la nature' de l'UE, les ministres européens soutiennent le niveau d'ambition et réclament de la flexibilité
Bruxelles, 20/12/2022 (Agence Europe)

Restaurer les écosystèmes dégradés dans l'UE - 80% sont en piteux état en Europe - est une urgence, tant pour l'environnement et le climat et la vie sur terre que pour la croissance économique, et les objectifs contraignants de restauration de la nature, proposés par la Commission européenne en juin, ont permis à l'UE d'être chef de file à la COP15 de Montréal (EUROPE 13087/3), ont estimé les ministres de l'Environnement des Vingt-sept, mardi 20 décembre.

Leur premier échange de vues public sur la proposition de règlement de l'UE, qui fixe des objectifs contraignants pour restaurer au moins 20% des écosystèmes terrestres et marins à l'horizon 2030 et tous ceux nécessitant de l'être à l'horizon 2050 (EUROPE 12977/17), a montré la volonté unanime des ministres de concilier ambition, praticabilité et flexibilité pour les États membres de l'UE - avec des financements européens suffisants, tant le défi à relever est considérable.

Pour ce dernier Conseil 'Environnement' de l'année sous Présidence tchèque, ils étaient invités à se prononcer, d'une part sur le niveau d'ambition et le calendrier des mesures et, d'autre part, sur la pertinence du principe de non-détérioration pour garantir des bénéfices à long terme d'écosystèmes en bonne santé capables de livrer les services écosystémiques précieux (EUROPE 13086/4).

Ce sont là les deux questions identifiées par la Présidence tchèque sortante comme nécessitant d'être approfondies, après un premier compromis soumis le 24 novembre au groupe de travail 'Environnement' du Conseil sur les articles 1 à 10 du règlement proposé (définitions, couverture géographique et restauration des divers écosystèmes terrestres, marins, urbains, des pollinisateurs ainsi que des écosyèmes agricoles et forestiers). La Présidence suédoise reprendra le flambeau.

« Le texte est ambitieux, sans aucun doute, et sa mise en œuvre imposera des efforts intenses et beaucoup d’argent. Le mauvais état des écosystèmes européens entrave notre croissance économique. Nous avons besoin d’objectifs réalistes qui soient à la hauteur des défis à relever. Nous devons aussi garantir la pérennité des mesures pour restaurer nos écosystèmes, faute de quoi les investissements consentis et les écosystèmes rétablis seront perdus », avait souligné le ministre tchèque, Marian Jurečka, pour planter le décor. Tous l'ont remercié pour « le travail considérable accompli » par la Présidence tchèque dans le domaine de l'environnement et du climat. 

Soutien aux objectifs ambitieux, des doutes sur le calendrier. Toutes les délégations ont souligné que le niveau d'ambition était adéquat pour répondre à la crise de la biodiversité et contribuer à résoudre celle du climat et ont insisté pour mobiliser tous les partenaires clés - agriculteurs, pêcheurs, sylviculteurs.

Plusieurs délégations (comme la Lettonie et l'Irlande) ont estimé que deux ans pour établir les plans nationaux de restauration sont un délai beaucoup trop court. L'Irlande a jugé l'objectif 2030 très ambitieux pour certains habitats et espèces.

Des pays ayant une structure fédérale, comme l'Autriche, ont demandé des ajustements. 

D'autres, jugeant l'objectif 2050 irréaliste, ont proposé, à l'instar du Luxembourg, de fixer un objectif intermédiaire à l'horizon 2040.

Spécificités nationales et flexibilité. Les ministres ont insisté sur l'importance de tenir compte des conditions spécifiques nationales et locales et des points de départ des différents États membres.

Ils ont également insisté pour que soit laissée aux États membres une large flexibilité. La Grèce a même estimé qu'une directive européenne serait plus adéquate qu'un règlement de l'UE.

Plus de financement. Les ministres ont été nombreux à souligner l'importance des investissements requis et d'un accès à des fonds européens à suffisance pour financer les besoins. Certains ont indiqué qu'ils auraient des difficultés de financement.

La Croatie et l'Italie ont demandé un fonds dédié à la restauration de la nature qui soit inscrit dans le texte du règlement, avec entrée en vigueur pour le prochain cadre financier pluriannuel, a souhaité le ministre croate, « faute de quoi, la mise en œuvre sera très compliquée ». Sans financement supplémentaire, la Lettonie ne pourra accepter d'objectif contraignant pour les tourbières, a prévenu ce pays.

 Plusieurs délégations ont souligné le manque d'expertise et de connaissances scientifiques sur les écosystèmes marins, ce qui nécessitera beaucoup de travail pour combler ce déficit et établir des indicateurs.

 Un souci de cohérence. La Pologne a plaidé pour la cohérence entre ce règlement et d'autres législations. Que vont devenir les forêts qui ont remplacé les terres abandonnées par les agriculteurs ? - s'est interrogé le ministre polonais. La Grèce, qui a connu une augmentation de plus de 4% de ses surfaces forestières en 40 ans, a la même interrogation.

Le Portugal, invoquant la cohérence avec la transition énergétique, a demandé une reconnaissance explicite de la contribution de certains projets verts, comme les panneaux solaires, à la préservation de la biodiversité : certaines espèces comme le lynx ibérique se nourrissent à l'ombre, a fait valoir ce pays. 

Principe de non-détérioration. Les délégations ont reconnu en majorité que l'extension de ce principe au-delà des seuls écosystèmes couverts par le réseau Natura 2000 était une bonne solution pour garantir des bénéfices de long terme de la restauration.

Des pays comme Malte, en revanche, ont dit leur inquiétude quant à l'applicabilité de ce principe, impossible pour certains habitats. La Croatie s'est félicitée que la Présidence tchèque ait proposé, dans son compromis, une approche fondée sur les efforts déjà accomplis par les États membres plutôt que sur les résultats. La Slovénie a fait observer que l'amélioration d'un habitat peut en détériorer un autre. Elle souhaite que le principe s'applique aux seuls habitats en mauvais état.

Le vice-président exécutif de la Commission chargé du 'Pacte vert', Frans Timmermans, a estimé que « la flexibilité ne doit pas nous écarter des objectifs ». Il a souligné que, dans le budget actuel de l'UE, 100 milliards d'euros sont dédiés à la biodiversité jusqu'en 2027, soit 14 milliards par an, « ce qui devrait couvrir les coûts de restauration estimés entre 6 et 8 milliards ». Selon lui, les États membres peuvent, « au besoin, adapter leurs plans stratégiques de la PAC ». (Aminata Niang)

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