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Bulletin Quotidien Europe N° 12721

19 mai 2021
PLÉNIÈRE DU PARLEMENT EUROPÉEN / Interview turquie
L'agenda positif doit être lié à la conditionnalité démocratique, prévient Nacho Sánchez Amor
Bruxelles, 18/05/2021 (Agence Europe)

Le Parlement européen votera, ce mercredi 19 mai, sur le rapport de Nacho Sánchez Amor (S&D, espagnol) sur les rapports 2019 et 2020 de la Commission européenne sur la Turquie (https://bit.ly/3tR9gIM ).

Avant ce vote, le rapporteur a fait le point, avec EUROPE, sur la situation en Turquie, les relations de ce pays avec l'UE, mais aussi sur la position des institutions européennes vis-à-vis d'Ankara. (propos recueillis par Camille-Cerise Gessant)

Agence Europe - Comment décrire la situation en Turquie et les relations UE/Turquie ?

Nacho Sánchez Amor - C'est la question essentielle du rapport dont nous débattons en session plénière, car il y a différentes approches de l'Union européenne vis-à-vis de la Turquie.

Le Parlement est toujours engagé dans l'agenda de la démocratisation, nous sommes très inquiets de ce qui se passe en Turquie, de sa position envers l’UE, de ce qui se passe avec la Convention d'Istanbul, avec tout critique mineur de la société turque qui va être harcelé ou poursuivi.

Mais le Conseil est plus enclin à aborder la Turquie du point de vue de la géopolitique. Cela signifie que l'agenda de la démocratisation est mis de côté et nous ne sommes pas satisfaits de cette situation.

Pour l'avenir, l'un des principaux messages de mon rapport n'est pas envers la Turquie, mais envers les institutions de l'UE : nous devons unifier notre politique vis-à-vis de la Turquie. Nous ne pouvons pas maintenir cette approche complètement divergente qui permet à la Turquie de manœuvrer parmi nous, ce qui est mauvais pour les relations.

C'est pour cette raison que j'ai demandé au Conseil d'intégrer l'agenda de démocratisation et la question liée au statut de la Turquie en tant que pays candidat, c'est-à-dire la conditionnalité démocratique, dans tous les aspects de nos relations.

De la même manière, je dois demander à mes collègues du Parlement de ne pas oublier l'autre aspect de nos relations, à savoir l'aspect géopolitique, la politique étrangère de la Turquie et l'importance de la Turquie en tant que voisin avec lequel nous voulons avoir de meilleures relations.

Ce rapport ne dépeint pas seulement la situation inquiétante de la démocratie en Turquie, il est aussi un appel à l'Union européenne pour qu'elle soit unie dans sa relation avec la Turquie. 

Que devons-nous faire pour être plus unis ?

Le Conseil doit comprendre que la question des valeurs ne fait pas seulement partie de l'agenda du Parlement européen.

Nous parlons des valeurs européennes que chaque institution doit défendre. Il n'y a pas ce genre de partage implicite des devoirs dans lequel le Conseil se considère complètement libre d'agir sans ce genre de considération et le PE toujours obligé de défendre les valeurs.

Je note avec satisfaction que, dans sa conférence de presse lors de sa dernière visite à Ankara, Mme Von der Leyen a été très claire : elle a mentionné certaines questions. Jusqu'à ce moment précis, la Commission se trouvait dans une situation ambiguë. Cela signifie qu'au moins, le Parlement et la Commission ont très bien compris que les valeurs fondamentales de l'UE doivent être indifférentes à toute relation avec un pays candidat. 

Dans votre rapport, vous appelez à une suspension formelle des négociations d'adhésion. Pourquoi ?

C'est la formule que nous utilisons au Parlement européen depuis quatre ou cinq rapports, car nous avons constaté le manque de volonté politique pour faire avancer les réformes démocratiques en Turquie.

Et, vu la situation, nous avons demandé la suspension. Ce qui s'est passé, c'est que la situation a été gelée de facto.

Ce que je voudrais essayer de faire, c'est d'envoyer à nouveau un message aux deux parties. Nous devons réfléchir au type de relation que nous voulons pour l'avenir.

La Turquie est-elle vraiment engagée dans le pari européen ? Car il y a parfois une grande distance entre les déclarations et les faits. L'UE est-elle sincère dans son offre de statut de pays candidat, c'est-à-dire d'adhésion ?

Nous devons nous arrêter un peu et repenser l'ensemble de la relation complexe avec la Turquie. Il s'agit d'un temps d'arrêt pour réfléchir et agir, et non pour exercer des représailles ou pour punir, disons, un mauvais comportement.

Dans votre rapport, « le PE exprime sa volonté de renforcer et d'approfondir la connaissance et la compréhension mutuelles entre les sociétés turque et des États membres de l'UE ». Êtes-vous en faveur de la libéralisation des visas ?

Oui. Parfois, des responsables turcs disent que l'UE n'a pas tenu ses promesses, qu’elle n'a pas respecté ses engagements concernant l'accord sur la migration.

L'accord que nous avons conclu était très clair. Nous sommes prêts à discuter de la libéralisation des visas dès lors que la Turquie remplit les critères qu'elle doit respecter. Cela signifie modifier les lois antiterroristes et de protection des données. Ils n'ont pas commencé à parler de ces réformes.

Les engagements sont mutuels : la Turquie doit achever ses réformes et la libéralisation sera effective. 

Vous dites également dans votre rapport : « le domaine crucial des droits et libertés fondamentaux ne peut être déconnecté et isolé des relations globales et il reste le principal obstacle aux progrès de tout agenda positif ». Êtes-vous contre l’agenda positif proposé par le Conseil (EUROPE 12572/1, 12686/3) ?

Non, absolument pas. Ce que le Parlement européen va dire au Conseil, c'est : « si vous proposez un quelconque agenda positif, il doit être lié à la conditionnalité démocratique, car la Turquie est un pays candidat ».

Parfois, vous recevez de la Turquie ce genre de message : « Pourquoi ne parlons-nous pas de l'union douanière ? Il s'agit d'économie, d'entreprises, de commerce, c'est une situation gagnant-gagnant ». Il n'y a pas de situation gagnant-gagnant s'il n'y a pas de réformes démocratiques en Turquie, telle est la position du Parlement.

Nous sommes très clairs dans le rapport. Les groupes sont totalement engagés dans cet agenda.

Il est bon de rappeler au Conseil qu'en fin de compte, la question de l'union douanière sera sur la table du Parlement. Et le PE est tout à fait clair depuis le début : nous n'approuvons aucune sorte d'union douanière, si cela signifie l'absence de toute amélioration de la situation démocratique dans le pays. 

Dans votre rapport (dans la version anglaise), vous avez utilisé 66 fois les mots concerned ou concerns, sept fois worried, et vous condamnez 29 fois quelque chose en Turquie. La situation est-elle donc si mauvaise ? N’y a-t-il aucun point positif ?

De manière générale, nous n'avons pas reçu de bonnes nouvelles ces deux dernières années. Si vous parlez de ce qui se passe en Turquie, c'est toujours la répression croissante, le harcèlement croissant, le rétrécissement de l'espace de la société civile, nous n'avons pas reçu de bonnes nouvelles. (...)

Nous devons être clairs avec la Turquie : nous ne voulons plus de projets de réformes ou de plans d'action. Nous voulons des faits. Cela signifie : comment les procureurs abordent-ils ce genre de choses ? Un étudiant va-t-il être harcelé ou poursuivi s'il 'tweete' une critique ou non ? Je pense que les procureurs sont l'une des clés du problème, car ils ont été le bras lourd de l'État dans ce qui s'avère être une politique cohérente d'écraser toute forme de critique.

Nous voulons des faits, pas de lettres d'amour.

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