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Bulletin Quotidien Europe N° 13173

3 mai 2023
DROITS FONDAMENTAUX - SOCIÉTÉ / Interview droits fondamentaux
L’eurodéputée Frances Fitzgerald et l’activiste Jackie Fox plaident pour la criminalisation du cyber-harcèlement dans l’UE
Bruxelles, 02/05/2023 (Agence Europe)

Le PPE a invité, mardi 2 mai, Jackie Fox, activiste irlandaise et mère de Nicole « Coco » Fox, décédée par suicide après des années de harcèlement sur les réseaux sociaux. En dépit d’un faible soutien du gouvernement au départ, elle est parvenue à faire changer la loi du pays grâce au soutien des citoyens sur les réseaux sociaux. « C'était une bataille », a concédé Mme Fox. Ainsi, depuis 2021, la 'loi Coco' criminalise le partage non consenti d’images intimes en ligne et le punit d’amendes, voire de peines de prison. « Des gens sont emprisonnés en vertu de la 'loi Coco' et 105 cas sont prêts à être poursuivis », a-t-elle ajouté.

Aujourd’hui, la mère de famille souhaite des législations similaires dans l’ensemble des pays de l’UE. Une quête soutenue notamment par Frances Fitzgerald (PPE, irlandaise), corapporteur sur la directive luttant contre les violences faites aux femmes (EUROPE 13131/18). L’une après l’autre, elles ont accordé une interview à EUROPE. (Propos recueillis par Hélène Seynaeve) 

EUROPE - Mme Fitzgerald, vous plaidez pour que le cyberharcèlement et le partage non consenti d'images intimes en ligne soient illégaux dans tous les pays de l'UE. Quelle est la situation actuelle ?

Frances Fitzgerald - Elle est très fragmentée et il existe un vide juridique dans de nombreux pays sur la cyberviolence. Il est temps d'y mettre un terme [...], nous avons besoin d'une législation européenne. Et nous pensons [au PPE, NDLR] que la description faite par Jackie de ce qui est arrivé à Nicole illustre mieux que tout la nécessité d’une telle législation. [...]

[Le harcèlement en ligne] est un phénomène très courant et extrêmement grave. [...] Le PPE souhaite donc un débat sur le sujet au Parlement européen à Strasbourg dès que possible et compte mettre tout son poids politique pour s’assurer qu’une loi européenne soit adoptée.

Vous êtes corapporteur sur la directive visant à combattre la violence à l'égard des femmes, qui introduit des dispositions sur la cyberviolence.

Il est certain que la Commission souhaite que nous disposions d'une directive sur la cyberviolence, mais la 'loi Coco' va plus loin. Elle parle également de la responsabilité des directeurs et des propriétaires d'entreprises impliqués de s'occuper de ce problème.

Vous souhaitez donc que la directive aille plus loin ?

Oui, nous y travaillons au sein du groupe de travail [du PE, NDLR]. Nous finaliserons le projet de rapport dans les prochaines semaines.

Vous avez reçu plus d'un millier d'amendements [des commissions des libertés civiles (LIBE) et de l’égalité de genre (FEMM) du PE, NDLR.]

Tout le monde voudrait tout avoir dans la directive sur la violence à l'égard des femmes. Nous devons nous pencher sur la base juridique et sur la manière d'aborder les négociations avec une position forte. 

D'ailleurs, nous avons un problème sérieux en ce moment : environ 16 États membres s'opposent à l'inclusion du viol parce qu'ils veulent que la compétence reste au niveau des États membres. Je suis inquiète à l'idée d'une directive sur les violences faites aux femmes qui n'inclurait pas le viol, je pense que le public serait déçu. Il s'agit d'une question légèrement différente de celle dont nous discutons, mais vous commencez à voir les problèmes liés à la question des compétences. 

Mais dans le cas de la cyberviolence, nous n'avons pas ce problème de compétence et nous pouvons agir sur ce sujet [les « crimes informatiques » étant un crime listé dans l’article 83(1) du TFUE, NDLR.]

Pensez-vous qu'il pourrait y avoir une résistance similaire de la part des États membres sur la cyberviolence ?

Je ne pense pas, j'ai l'impression que c'est un sujet sur lequel les gens pourraient s'unir et apporter une loi forte. Tout le monde se rend compte de la gravité de la situation, y compris chez les jeunes enfants. Bien sûr, il y aura des débats sur la protection de la vie privée et nous devrons définir des limites, mais, dans l'ensemble, je pense que nous parviendrons assez facilement à nous accorder sur des principes centraux. 

Le fait que les crimes informatiques soient des crimes européens est-il suffisant ou faudrait-il inclure la violence fondée sur le genre ou le cyberharcèlement dans la liste ?

Soyons réalistes en ce qui concerne les crimes européens : c'est une question d'unanimité, et il est très difficile d'obtenir l’unanimité, surtout si les gens pensent que cela interfère d'une manière ou d'une autre avec leurs compétences nationales. Je ne retiendrais donc pas mon souffle en essayant d'obtenir que le viol ou même les autres [crimes] soient inclus. [...] Mais il reste possible de promulguer une législation sans qu’ils soient dans la liste.

Mme Fox, quels ont été les points de blocage pour obtenir le soutien du gouvernement irlandais au départ ?

Jackie Fox - Je pense qu'il y a eu deux choses. Le principal obstacle était que c’est une loi large, qui couvre plusieurs aspects, et je ne pense pas que les membres du gouvernement étaient prêts à la faire passer à ce moment-là. 

Ensuite, lorsque le suicide ou le harcèlement en ligne ne vous affecte pas, vous ne vous mobilisez pas, parce que vous n’avez pas le sentiment que c'est une chose sur laquelle vous pourriez avoir un impact. Avant la mort de Nicole, j'entendais des histoires de harcèlement et de suicide et je me disais que c'était terrible, mais je continuais à vivre ma vie. Ce n'est que depuis son décès que j'ai compris combien de personnes souffraient et avaient besoin d'aide. 

Que souhaiteriez-vous que l'UE fasse pour lutter contre le cyberharcèlement ? 

J'aimerais que la 'loi Coco' soit [répliquée] dans toute l’Europe, ça ne sert à rien de l’appliquer seulement en Irlande. […] La problématique du suicide lié aux réseaux sociaux, qu’il s’agisse pour des images partagées ou de l’intimidation, est réelle. Or, tant de personnes ont perdu la vie en Irlande parce qu'il n'y avait pas de législation pour les protéger, Nicole étant l'une d'entre elles. […] [Répliquer] la 'loi Coco' à l'échelle européenne pourrait donc sauver de nombreuses personnes et dissuaderait beaucoup de harceleurs.

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