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Bulletin Quotidien Europe N° 12863

7 janvier 2022
ACTION EXTÉRIEURE / Commerce/climat
Interview de Mohammed Chahim : « Aussi longtemps que les quotas ETS gratuits existeront, on ne respectera pas le principe du pollueur-payeur »
Bruxelles, 06/01/2022 (Agence Europe)

Le député européen et rapporteur du texte sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM) Mohammed Chahim (S&D, néerlandais) a soumis, mercredi 5 janvier, son projet de rapport aux rapporteurs fictifs (EUROPE 12862/3). Il plaide pour l'élargissement des secteurs couverts par le mécanisme et pour une entrée en vigueur anticipée de celui-ci.

Des organisations et mouvements environnementaux ont accueilli positivement cette annonce, comme l'ONG German Watch ou l'Institut pour la politique environnentale européenne. Ils saluent également la sortie rapide, proposée par le deputé, des quotas gratuits alloués aux entreprises européennes dans le cadre du système d'échange de quotas d'émissions (ETS).

Les députés de la Commission de l'Environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) ont jusqu'au 10 février pour soumettre leurs amendements au texte, avant de voter en commission courant mai. Le rapporteur espère un vote en plénière en juin.

Dans une interview accordée à EUROPE, il revient sur le contenu de son rapport.

Est-ce que vous vous attendez à ce que vos collègues au Parlement européen revoient les ambitions à la baisse sur ce texte ?

Nous devons voir, mais il faut bien comprendre que j'ai consulté largement mes collègues. J'ai pris leurs idées et je pense que mon rapport est le résultat de ces discussions. J'ai aussi consulté beaucoup d'ONG, d'organisations représentant divers intérêts.

Je pense qu'il est avant tout important d'envoyer un signal fort de la part du PE sur ce texte, et également d'être en ligne avec la loi sur le climat. 

Bien sûr, nous devons examiner les détails, voir comment on peut ajuster certaines choses. Certains groupes au Parlement européen voudront peut-être assouplir le mécanisme, mais d'autres voudront certainement qu'il soit encore plus strict. Je pense notamment à l'inclusion des raffineries dans les secteurs couverts par le CBAM. 

Pourquoi avez-vous choisi dans votre rapport d'ajouter l'hydrogène, les polymères et les composés organiques, mais pas les raffineries parmi les secteurs couverts par le CBAM ?

Nous avons travaillé dur pour finir le rapport avant Noël, afin que les linguistes puissent y travailler et que je puisse le transmettre rapidement à mes collègues. Et à ce moment-là, je n'ai pas encore trouvé la solution pour inclure les raffineries dans les secteurs couverts. Toutefois, je pense que le CBAM devrait couvrir les secteurs qui sont fortement sujets aux fuites de carbone et dont le processus de fabrication émet beaucoup de CO2. Dans le meilleur des scénarios, les polymères, les produits chimiques et les raffineries seraient couverts par le CBAM. Nous devons maintenant voir comment cela peut être mis en place de manière pratique. 

Qu'est-ce que les organisations que vous avez rencontrées pensent d'une entrée en vigueur anticipée du CBAM (2025 au lieu de 2026) et d'une sortie plus rapide des allocations gratuites de quotas ETS (2028 au lieu de 2036) ?

Avant même le rapport d'initiative au PE sur le CBAM, les industries européennes étaient très emballées par l'idée du mécanisme, mais ils voulaient tout à la fois conserver les quotas gratuits. Or, vous ne pouvez pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Les allocations gratuites de quotas ont été mises en place pour éviter les fuites de carbone. Le CBAM vient faire exactement la même chose. Aussi longtemps que les quotas gratuits seront en place, on ne respectera pas le principe du pollueur-payeur et on bouleversera le signal du prix du carbone. 

Si nous voulons un CBAM fort, nous devons supprimer les quotas gratuits le plus rapidement possible. Il s'agit également de convaincre nos partenaires commerciaux. 

La proposition de la Commission européenne faite en juillet 2021 laisse au total 15 ans pour supprimer les quotas gratuits. Je propose 7 ans, ce qui devrait être suffisant. 

Est-ce que vous pensez pouvoir convaincre l'industrie que la perte engendrée par la fin des quotas gratuits peut être compensée par un soutien européen à l'innovation ? 

Nous créons des lois sur la base de ce pour quoi les gens ont voté pour nous. Je bénéficie d'une légitimité démocratique pour faire de telles propositions. Au final, nous voulons et devons décarboner l'économie. Je pense qu'il est inacceptable que certains secteurs aient de bien meilleures performances environnementales dans les pays voisins, que les mêmes secteurs chez nous. Et ce à cause des quotas gratuits.

Sur la question des ressources engendrées par le CBAM, comment être certain que l'équivalent de ces revenus sera bien redistribué aux pays les moins développés à travers les programmes de financement existants ?

Je rejoins sur ce point la demande de la commission du commerce international du PE (INTA), qui exige de la Commission qu'elle fournisse au Parlement européen une analyse annuelle des pays soutenus financièrement avec les fonds collectés. Ce sera notre rôle de veiller à ce que le règlement soit appliqué et les fonds redistribués.

Je pense que nous devons absolument nous assurer de cela. C'est notre devoir moral de soutenir les pays les moins développés à décarboner leur industrie.

Voir le projet de rapport : https://bit.ly/3eQ31zU (Propos recueillis par Léa Marchal)

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