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Bulletin Quotidien Europe N° 13389

12 avril 2024
INSTITUTIONNEL / Avenir de l'ue
« Tôt ou tard, la recapitalisation de la BEI sera sur la table », estime Charles Michel
Bruxelles, 11/04/2024 (Agence Europe)

Le président du Conseil européen, Charles Michel, est d'avis qu'au lieu d'attendre l'issue du débat sur la création de nouveaux instruments européens de financement, les Européens devraient focaliser leur attention sur d'« autres outils très puissants », tels que le parachèvement de l'union des marchés de capitaux (CMU), voire la recapitalisation de la Banque européenne d'investissement (BEI), pour renforcer la compétitivité économique de l'Union européenne face à ses concurrents étrangers.

« Il existe un débat autour de la table – dont je ne veux pas préjuger l'issue – sur la question des 'eurobonds', d'un emprunt conjoint, avec des arguments pour ou contre sur la table », a constaté M. Michel, à l'occasion d'une interview accordée mercredi 10 avril à plusieurs médias européens, dont Agence Europe, à une semaine du Conseil européen des mercredi 17 et jeudi 18 avril au cours duquel il entend proposer aux Vingt-sept « un Pacte européen pour la compétitivité » (EUROPE 13387/1). « En tant que Belge, je suis très pragmatique : il sera très difficile d'avoir un accord à court terme ». Pourtant, confrontés à l'Inflation Reduction Act (IRA) des États-Unis, aux subventions de la Chine à ses entreprises, « si nous n'agissons pas maintenant, ce serait une énorme erreur », a-t-il considéré.

M. Michel a préconisé la mise en marche d'outils « réalistes, pratiques et massifs », soulignant la volonté politique renouvelée au niveau du Conseil européen en faveur du projet de CMU. « J'entends être très tenace sur le sujet », a-t-il prévenu.

Selon lui, cette volonté politique des chefs d'État ou de gouvernement doit permettre de surmonter les « difficultés techniques » d'une intégration accrue des marchés de capitaux, telles que l'harmonisation des régimes nationaux d'insolvabilité ou une supervision européenne d'acteurs financiers, comme l'ont démontré les récentes discussions des ministres européens des Finances (EUROPE 13368/3).

Fidèle à sa vision libérale de l'économie, M. Michel a cité plusieurs avantages liés à l'union des marchés de capitaux. Ce projet peut permettre de limiter « la course aux subventions » qu'a déclenchée l'IRA étasunien et, dans l'UE, de prendre le relais du régime actuel des aides d'État, rendu hyperflexible pour répondre à la pandémie de Covid-19 et à la crise énergétique, qui comporte le risque d'une fragmentation du marché unique s'il profite surtout aux États membres disposant des moyens budgétaires élevés, comme l'Allemagne.

Le président du Conseil européen est également d'avis que « tôt ou tard, la recapitalisation de la BEI sera sur la table », sans souhaiter avancer un chiffre à ce stade.

Fin mars, le Conseil européen a déjà demandé à la plus grande banque multilatérale au monde d'adapter sa politique de prêt pour être davantage en mesure de prêter dans le domaine de la sécurité et de la défense (EUROPE 13376/3). La BEI présentera, ce vendredi à Luxembourg, de nouvelles options aux ministres européens des Finances.

Faire passer l'UE en mode 'économie de guerre'

Réitérant de précédentes déclarations, l'ancien Premier ministre belge a plaidé pour un changement de paradigme dans la façon dont les Européens pensent leur développement économique. « Je pense que nous devons nous orienter vers une économie de guerre », a-t-il déclaré, tout en appelant à la prudence vis-à-vis d'un concept qui peut effrayer.

« Après avoir dit cela, je mesure bien que l'on doit faire attention parce que, d'un côté, il est important de rendre les citoyens lucides sur le fait que nous entrons dans un nouveau chapitre de l'histoire de l'Europe, après les dividendes de la période de paix et de la chute du Mur de Berlin, que l'on doit renforcer nos capacités de défense et de sécurité pour protéger la paix. Parce que nous voulons la paix, nous devons avoir plus de capacités dans le domaine militaire ».

Et M. Michel de louer la complémentarité entre les industries militaires et civiles : « C'est bon pour l'économie en général. Les liens entre industries militaire et civile sont réels. Ce n'est pas l'un au détriment de l'autre ».

Évoquant les rapports sur le marché intérieur que deux anciens Premiers ministres italiens présenteront aux dirigeants de l'UE, la semaine prochaine pour Enrico Letta et fin juin pour Mario Draghi, le président du Conseil européen a préconisé un retour aux fondamentaux de la réussite économique européenne.

Ces dernières années, « le marché intérieur a été négligé ; il n'a pas été traité avec soin et ambition », a-t-il estimé. Selon lui, les Européens sont en recul par rapport à leurs concurrents américains ou chinois, citant le dépôt des brevets. « Nous devons rendre la réglementation plus intelligente, réduire la bureaucratie » pour disposer d'un cadre qui rende la liberté d'entreprendre aux entreprises, a-t-il ajouté.

Préserver l'envie d'entreprendre

M. Michel ne remet pas en cause le travail effectué dans le cadre du 'Pacte vert européen' et destiné à faire de l'Union européenne le premier continent neutre sur le plan climatique. Cependant, a-t-il observé, les régulations mises en place nécessitent « plus de cohérence, de capacités d'adaptation ».

Évoquant une rencontre, le même jour, avec des représentants de l'industrie automobile, il a préconisé un respect accru au sein de l'UE de « la neutralité technologique ». « Il faut fixer l'objectif, laisser la liberté d'entreprendre et ne pas considérer qu'il y aurait, d'une manière démocratique, une technologie qui l'emporterait sur les autres », a-t-il considéré.

L'importance des échanges commerciaux pour le dynamisme économique de l'UE a aussi été soulevée par le libéral belge. « Je suis personnellement en faveur » de l'accord entre l'UE et le Mercosur, a dit M. Michel, faisant état « de doutes, de peurs dans certains États membres ».

Cet accord demeure bloqué en raison du refus de pays comme la France et l'Irlande de le signer s'il n'inclut pas des considérations environnementales plus musclées, une position qualifiée de protectionniste côté latino-américain, notamment par le Brésil.

Néanmoins, M. Michel a estimé nécessaire de « réformer » la façon dont les accords de libre-échange sont négociés. Octroyer un mandat à la Commission européenne sans impliquer régulièrement les parties prenantes crée le risque d'un « manque de transparence » dans les négociations, a-t-il noté.

Pour une coordination en matière de reconnaissance, par les États membres, de l'État de Palestine

Sur le conflit au Proche-Orient opposant Israël au Hamas, le président du Conseil européen a été interrogé sur la volonté de plusieurs pays européens, dont l'Espagne, de reconnaître l'État de Palestine (EUROPE 13377/19).

C'est « une décision nationale », un « outil puissant » qui ne peut être utilisé qu'une seule fois, et je n'exclus pas qu'il y ait, à l'avenir, « une certaine coordination au niveau européen, au moins entre les pays prêts à agir sur cette question », et « même avec d'autres pays hors de l'UE », a-t-il commenté. « Il s'agit d'un levier puissant » qui peut contribuer à avancer vers une solution politique du conflit israélo-palestinien avec la création de deux États coexistant en paix.

M. Michel a fait remarquer que l'UE était un important partenaire économique d'Israël, « peut-être le plus important ». L'accord d'association UE/Israël contient des clauses de respect de l'État de droit, du droit international, a-t-il rappelé. Et, selon lui, « la Commission européenne a la responsabilité d'évaluer si ces clauses sont respectées ou pas et, si tel n'est pas le cas, elle peut faire une proposition en lien avec l'accord d'association ». (Mathieu Bion)

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