L'eurodéputée Nathalie Colin-Oesterlé (PPE, française), rapporteur du Parlement européen sur le règlement concernant les normes de qualité et de sécurité des substances d'origine humaine destinées à une application humaine (ou règlement SoHO pour Substance of Human origin), a répondu à quelques questions d'EUROPE. Les travaux sur cette proposition de la Commission européenne (EUROPE 12993/9) sont actuellement en cours au PE en commission 'Environnement, santé publique et sécurité alimentaire' (ENVI). (propos recueillis par Émilie Vanderhulst)
Agence Europe - Peut-on faire un petit point sur l'état des négociations après la clôture du dépôt des amendements, le 8 mars ?
Nathalie Colin-Oesterlé - Pour l'instant, évidemment, on en est encore aux balbutiements. Je ne sais pas si vous avez connaissance de mes priorités sur cette proposition de la Commission européenne. Mon projet de rapport repose sur ces trois axes : protéger davantage les donneurs et les receveurs, harmoniser les systèmes nationaux de surveillance et de collecte et construire l'autonomie européenne en SoHO.
Ce que je propose, c'est de mettre en place une véritable stratégie pour la promotion d'une autonomie européenne, le développement de la pratique de la gestion personnalisée du capital sanguin également, afin d'optimiser l'utilisation des SoHO et puis de privilégier les usages de SoHO à finalité thérapeutique lorsqu'il y a des tensions d'approvisionnement au sein de l'Union européenne.
Aujourd'hui, un tiers des besoins européens en plasma, aussi utilisé pour produire des produits pharmaceutiques, est importé de pays tiers où les donneurs sont rémunérés. Cela, au risque de les inciter à donner plus que de raison, à impacter leur santé ou à baisser la qualité du produit obtenu.
Ce qu'on veut, c'est que l'Union européenne mette fin à cette situation et, surtout, qu'elle construise son autonomie dans le respect du principe fondamental du don volontaire et non rémunéré, qui est consacré par l'article 3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union et par la clause relative à l'interdiction de commercialisation du corps humain.
Dans mes propositions, évidemment, il s'agit de protéger les donneurs et les receveurs avec les standards de qualité de sécurité les plus élevés, en harmonisant la mise en œuvre du principe du don volontaire et non rémunéré afin, notamment, d'éviter que des divergences entre États membres et entre réglementations nationales incitent des citoyens à les donner dans un autre État que le leur pour des raisons financières.
Il faudrait en outre renforcer le respect des principes d'impartialité, d'indépendance et de transparence lors des activités de surveillance pour protéger les autorités compétentes de toute ingérence et de toute autre influence.
Et sur la question de la compensation des dons ?
Il y a quelques sujets sur lesquels il peut y avoir des divergences [au sein de la commission ENVI].
Nicolás González Casares (S&D, espagnol) et Tilly Metz (Verts/ALE, luxembourgeoise) ont tous deux pris position en faveur d'une définition plus stricte de la compensation, pour ne pas aller vers des incitations financières et ces indemnisations financières. Andreas Glück (Renew Europe, allemand), quant à lui, est plus libéral. C’est-à-dire qu'il prend l'exemple de quatre établissements qui compensent les dons et qui collectent davantage que les autres. Mais, au-delà des arguments éthiques, ces compensations présentent des risques pour les donneurs et pour les receveurs.
Et puis, on s'est rendu compte en plus qu'il n'y a pas forcément un lien évident entre la mise en place d'une indemnisation et la collecte de plasma. On a justement des contre-exemples, comme la Belgique et le Danemark, qui ont récemment atteint l'autosuffisance en plasma, mais qui ont atteint cette autosuffisance en augmentant considérablement la collecte depuis dix ans, sans pour autant recourir au secteur privé ou aux compensations.
Souvent, on cite la République tchèque parce qu'il y a des compensations et on dit qu'effectivement, ils collectent davantage. Mais je regardais les chiffres, je crois qu'il y en a 50, je vous le redirai, mais il y a 50 centres de collectes pour la République tchèque. Quand il y en a une dizaine pour la Belgique. Donc, forcément, plus vous avez des centres de collecte, plus vous améliorez la collecte. Il y a plusieurs choses qu'on met en place aussi, comme une stratégie pour augmenter la collecte.
Dans cette compensation financière, il y a le problème de la sécurité des donneurs. Puisqu'en fait, on s'est aperçu, après diverses études, que dans les États où on a un système de collecte indemnisé, le nombre de dons autorisés est plus élevé. Parce qu'évidemment, c'est la seule condition pour rendre l'activité rentable, puisque le système de collecte indemnisé est mis en place par le secteur privé. Or, une fréquence de dons plus élevée diminue le taux de protéines présentes dans le sang des donneurs. Cela présente un risque pour la sécurité des donneurs, pour la santé des donneurs et pour la sécurité des patients.
Ce don volontaire et non rémunéré et le principe de neutralité du don, pour vous, c'est vraiment la ligne rouge ?
Oui! C'est la ligne rouge de la Commission aussi.
Si j'ai bien compris, au Conseil, à ce jour, le principe de don volontaire et non rémunéré ne sera pas remis en cause. Vous pensez qu'il y a un danger que ce le soit ?
J’insiste beaucoup pour avoir une définition très stricte. Parce que, vous comprenez, en fonction de la définition que vous donnez dans le rapport, vous laissez une marge de manœuvre.
Vous souhaitez une harmonisation de la mise en œuvre du principe au niveau européen ?
Oui, et une définition très stricte de la 'juste compensation'. C'est à dire : que l'on rembourse les frais kilométriques à quelqu'un qui a fait 100 kilomètres pour venir donner, cela ne me gêne pas. Maintenant, qu'il y ait une incitation financière, ça, ça me gêne. Donc, on est favorable à une définition stricte pour ne pas arriver à des dérives financières.
Est-ce-que vous pensez qu'avec les propositions contenues dans le rapport, entre autres la gestion personnalisée du capital sanguin, l’élargissement de la base de donneurs et la plateforme SoHO, on peut, de manière réaliste, atteindre cette autonomie européenne en SoHO ?
C'est un de mes amendements qui concerne la stratégie de promotion de l'autonomie européenne en matière d'approvisionnement en SoHO. J'ai demandé à ce que la Commission européenne publie, dans un délai de deux ans à compter de l'adoption de ce règlement, une stratégie pour promouvoir l'autonomie européenne en matière d'approvisionnement SoHO. Et qu'on établisse des objectifs ambitieux par SoHO en respectant, bien sûr, le principe de don volontaire et non rémunéré. Avec des actions de communication au niveau européen sur les différents types de dons SoHO réalisables, la mise en place d'une Journée européenne dédiée aux dons de SoHO essentiels, des incitations à étendre les jours et les horaires d'ouverture des établissements de collecte de SoHO en dehors des horaires traditionnels de travail, ça, c'est hyper important...
Vous pensez qu'il y a un réservoir de donneurs qu'on peut activer ? Parce qu'il va quand même y avoir aussi un vieillissement de la population et il y a des limites d'âge pour les dons. Ce sont aussi des données qui changent.
Oui, mais encore une fois, si vous communiquez et si vous faites prendre conscience... Aujourd'hui, la majorité des donneurs viennent parce qu'ils ont des amis qui sont concernés. C'est vraiment de l'altruisme. On a, je pense, un réservoir de donneurs, mais qui doivent savoir ce à quoi les dons servent. Non pas simplement à soigner leurs amis, mais aussi à fabriquer des médicaments qui vont permettre de soigner des cancers, des maladies graves... Et ça, honnêtement, je pense qu'aujourd'hui, nos concitoyens n'en sont pas pleinement conscients.
Est-ce-que vous avez déjà une idée du calendrier pour les prochaines étapes au Parlement ?
Très honnêtement, j’espère que ça ira vite. Quand j’avais vu Stella Kyriakides [commissaire européenne à la Santé], elle souhaitait vraiment que tout ça soit fait et validé avant la fin du mandat. Je pense que la Présidence espagnole du Conseil de l'UE agira aussi là-dessus. Aujourd’hui, la volonté, c'est que ça aille suffisamment vite pour que tout soit validé avant la fin du mandat.
J'aurais aimé savoir si vous avez une affinité personnelle avec le sujet, peut-être sur le don ?
Non, moi je travaille sur les sujets de santé depuis mon arrivée au Parlement et c'est un sujet extrêmement intéressant, parce qu'il mêle encore une fois la santé, mais aussi l'éthique. C'est un sujet extrêmement intéressant et très important sur le plan et sociétal et sanitaire.
Lien vers le projet de rapport : https://aeur.eu/f/674