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Bulletin Quotidien Europe N° 13428

11 juin 2024
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N° 108

De kolonisten van de Wetstraat

Derrière ce titre inspiré d’un jeu de société, « Les colons de Catane », se cache une enquête bien documentée sur les systèmes de financement des partis politiques belges et européens. Une enquête qui va d’un bout à l’autre de la rue de la Loi à Bruxelles, des parlements fédéral et flamand au quartier européen. L’ouvrage souligne la très grande disparité de règles qui existe entre le système belge et le cadre européen, beaucoup plus restrictif, même s’il y a toujours une marge d’amélioration.

Les auteurs, politologues et chercheurs nous rappellent que le financement public (fédéral, régional, voire infrarégional) constitue depuis une trentaine d’années la principale source de revenu des partis politiques. Conçu à l’origine pour mettre fin à des pratiques opaques et souvent criminelles, le système de financement public est devenu une véritable vache à lait (ou « poule aux œufs d’or », selon l’expression choisie par les auteurs) pour les partis belges. À telle enseigne que, sur la base du nombre d’électeurs, les subventions sont deux fois plus importantes en Belgique qu’en France ou en Espagne, et même trois fois plus élevées qu’aux Pays-Bas.

Au total, les subsides publics (78,3 millions d’euros) représentaient en 2022 77,8% des revenus des partis belges. Ces derniers complétaient leurs revenus essentiellement au moyen des montants versés par les élus (voire directement prélevés par les institutions sur leurs indemnités pour être versés sur les comptes de leurs partis respectifs) à hauteur de 11,4 millions, soit 11,3% des revenus des partis. Les cotisations des membres ne représentaient plus que 3,9% des revenus et les dons 0,2%, le reste étant constitué des revenus de placements financiers ou immobiliers. Car les « partis-rentiers » de Belgique ont eu tout le loisir de constituer au fil des années l’épargne leur permettant d’investir. Ils ne sont plus stimulés à recruter de nouveaux membres, comme c’est le cas aux Pays-Bas, où une partie du financement public est proportionnelle au nombre de militants, ou en Allemagne (mais c’est aussi le cas au niveau européen), où il est proportionnel au financement privé.

Les sept parlements de Belgique (les auteurs en comptent neuf en distinguant les deux assemblées du parlement fédéral et en y ajoutant la Cocof, ou commission communautaire francophone, qui s’apparente davantage à une section francophone du gouvernement et du parlement bruxellois : Ndr.) coûtent 586,2 millions d’euros (chiffres de 2021). Et c’est eux qui, pour l’essentiel, assurent à la fois le versement des subsides publics et les revenus tirés des indemnités des mandataires. Autrement dit, près d’un sixième du coût du système parlementaire sert à entretenir les partis politiques du royaume.

L’abondance et la prévisibilité des subventions durant cinq ans – la Belgique organisant des élections générales, comme le 9 juin 2024 (en même temps que les européennes), pour renouveler tous ses parlements, les élections communales devant intervenir en octobre prochain – permettent de dépenser sans compter, ou presque. Cela fait des partis belges « les champions absolus des dépenses consacrées à Facebook » et aux médias sociaux, soulignent les auteurs.

Les subsides versés aux partis politiques ont également bénéficié d’une indexation et ont dès lors considérablement augmenté au cours des trente dernières années alors que les dépenses de campagne ont été encadrées par la loi, n’ont pas été indexées, et ont d’autant plus fondu que l’ensemble des campagnes électorales ont été regroupées. Dès lors, les partis « les plus riches tirent une part croissante de leurs revenus du rendement de leurs actifs. Leurs investissements rapportent des intérêts et des dividendes, et leurs biens immobiliers peuvent être loués. Cela crée un effet boule de neige financier », constatent les auteurs. Les actifs nets des partis politiques belges ont ainsi augmenté de 66 millions d’euros en 1999 à 166 millions en 2022. À long terme, le rendement du capital pourrait même dépasser les subventions publiques, estiment les auteurs, qui se risquent à prédire que des partis pourraient n’avoir « alors plus besoin d'électeurs pour continuer à exister ».

Dans la partie consacrée aux institutions européennes, les auteurs rappellent que le système de financement est beaucoup plus cloisonné. Les partis politiques européens sont ainsi financés par les partis nationaux qui en sont membres et bénéficient de subventions européennes, sous certaines conditions. Mais un mur se dresse entre eux et les groupes politiques, qui sont financés par le biais du Parlement européen. De même, les fondations, tout en étant liées aux partis, bénéficient de subventions européennes, mais ne peuvent recevoir de financements ou transférer des fonds à des partis ou des groupes politiques.

Le budget général prévoit chaque année une enveloppe pour le financement des partis politiques européens. Celle-ci n’a cessé d’augmenter depuis sa création en 2004 (9,7 millions d’euros) pour atteindre jusqu’à 57,2 millions en 2019. Cette enveloppe est répartie entre les partis politiques reconnus, à parts égales pour 10% du montant et au prorata du nombre de députés européens qui sont membres du parti pour les 90% restants. Les groupes politiques sont financés à partir du budget du Parlement européen, qui prévoit annuellement une enveloppe à cette fin : 66 millions en 2023. 2,5% de ce montant sont répartis à parts égales entre les groupes et 97,5% en fonction de leurs tailles respectives. Enfin, les fondations se sont partagées, sur un modèle analogue à celui des partis, 23 millions d’euros en 2023. (Olivier Jehin)

Bart Maddens, Jef Smulders, Gunther Vandeneynde, Wouter Wolfs. De kolonisten van de Wetstraat – Partijfinanciering in België en de EU. Ertsberg. ISBN : 978-9-4647-5071-3. 279 pages. 29,95 €

The Rise of the Far Right in Europe

« Dans le discours public, nous entendons constamment parler des effets négatifs de la montée de l'extrême droite sur la démocratie. Cependant, nous n'avons pas entendu d'autocritique ni le moindre murmure sur les causes réelles qui poussent le comportement électoral aux confins de l'axe politique, puisque les gouvernements néolibéraux ont tellement de réussite qu'ils ne peuvent pas expliquer pourquoi les citoyens donnent à leur vote des caractéristiques d'expression négative et de protestation », écrit Victoria Pistikou (Université Démocrite de Thrace) dans ce billet d’humeur publié dans la lettre électronique du centre des affaires européennes de l’université de Nicosie.

Car « croire que les citoyens deviennent des fascistes ou des antidémocrates serait pour le moins naïf ». En fait, ce serait tout simplement impossible, dans la mesure où « la majorité des gens est formée dès son plus jeune âge à la fidélité à des principes tels que la liberté et la démocratie », estime l’auteur. Affaiblissement de la marche vers l’intégration et stagnation économique et politique alimentent la montée de l’extrême droite, poursuit Pistikou, soulignant que « l'instabilité économique, l'inflation et le chômage, ainsi que l'incapacité des partis traditionnels à traiter les questions économiques ont poussé les électeurs à chercher des alternatives à l'extrême droite ». Et alors que, selon Eurostat, la zone euro est au milieu d'une nouvelle récession, « l'excuse constante des gouvernements européens est la guerre en Ukraine ». Des gouvernements qui ne sont pas parvenus à « fournir une réponse convaincante à la question de savoir pourquoi l'UE n'a pas protégé son indépendance énergétique ».

La participation de forces européennes aux côtés de l'Ukraine fait l'objet de nombreuses discussions, alors que, « pendant ce temps, le génocide des Arméniens du Haut-Karabakh est en cours avec la bénédiction de la Turquie », déplore l’auteur. Et de poursuivre : « La question se pose toujours de savoir pourquoi les partenaires européens font pression sur la Grèce au nom de la solidarité pour l'Ukraine alors que, dans le même temps, l'Espagne équipe l'industrie de guerre turque qui, à son tour, soutient les violations de l'espace aérien national grec ».

Victoria Pistikou évoque ensuite « l'éléphant dans la pièce », à savoir les intérêts nationaux qui façonnent - ou non - la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ainsi que la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). « Tant que les gouvernements néolibéraux ignoreront que le comportement des États est régi et déterminé par l'intérêt national et la puissance, la réalité continuera à leur donner tort. Mais pour cela, il leur faut faire preuve d'autocritique et reconnaître qu'il faut évoluer vers une vision plus réaliste des choses. Il faut évoluer vers un cadre de coopération plus réaliste, sans le couvert de l'intégration, de la solidarité et d'autres contes de fées », écrit l’auteur.

Et de conclure : « Si le mandat des citoyens européens est pour moins d'Europe, ou une Europe à la carte, alors les dirigeants, s'ils respectent la souveraineté populaire, devraient adopter des politiques qui s'éloignent de l'intégration (…). Si les avantages de l'intégration européenne n'atteignent pas les citoyens, alors l'Europe devrait chercher plus loin que l'amélioration de ses compétences en matière de communication ».

Dans un autre article, Yannos Katsourides souligne que si la constitution d’un supergroupe d’extrême droite au Parlement européen demeure improbable, la progression des extrêmes « affectera de manière significative à la fois la dynamique politique interne des États membres et le fonctionnement des institutions européennes, qui connaissent déjà des problèmes et font l'objet de vives critiques ». « Ils auront le pouvoir d'opposer leur veto à des décisions cruciales, ce qui aura de graves conséquences négatives sur des questions telles que l'immigration, les personnes LGBTQ+ et les transgenres, la politique étrangère, etc. Par exemple, nous pouvons nous attendre à des politiques d'immigration plus strictes et à un affaiblissement du Green Deal. Il pourrait en outre y avoir un soutien plus faible pour protéger les droits des minorités et sanctionner les gouvernements illibéraux au sein de l’UE », estime Katsourides.

Intitulé « L’UE à la croisée des chemins », ce numéro de la lettre trimestrielle In Depth contient aussi une série d’articles consacrés aux enjeux géopolitiques actuels. (OJ)

Victoria Pistikou. The Rise of the Far Right in Europe. In Depth, Volume 21, issue 2, May 2024. La lettre électronique du centre des affaires européennes et internationales de l’université de Nicosie peut être téléchargée gratuitement à l’adresse : https://aeur.eu/f/ckz

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