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Bulletin Quotidien Europe N° 13348

13 février 2024
ÉCONOMIE - FINANCES - ENTREPRISES / Économie
Révision du Pacte de stabilité, les eurodéputés arrachent au Conseil de l'UE une disposition propice aux investissements
Bruxelles, 12/02/2024 (Agence Europe)

Les représentants du Parlement européen et la Présidence belge du Conseil de l'Union européenne sont parvenus à un accord politique provisoire sur la révision du Pacte de stabilité et de croissance, dans la nuit de vendredi 9 à samedi 10 février, après une session de négociation en trilogue qui aura duré seize heures (EUROPE 13347/2).

Si elles sont entérinées avant la fin du cycle législatif actuel, les futures règles budgétaires devraient être applicables à partir de 2025. L'année 2024 constituera une année de transition où les règles actuelles seront appliquées dans l'esprit de la révision législative et où les États membres présenteront avant fin septembre leur plan macrobudgétaire pluriannuel débutant en 2025 sur la base de la trajectoire de référence établie au printemps par la Commission européenne.

Tel que révisé, le Pacte de stabilité et de croissance cherche l'équilibre - répété à l'envi par le trio interinstitutionnel - entre un assainissement réaliste des finances publiques (après plusieurs années où l'endettement s'est accentué en raison de la pandémie de Covid-19 et la crise énergétique) et le maintien d'une marge de manœuvre budgétaire qui permette aux États membres de continuer à investir dans les quatre priorités politiques de l'UE, à savoir les transitions climatiques et numériques, la sécurité énergétique et la défense.

« Les nouvelles règles amélioreront considérablement le cadre existant et garantiront des règles efficaces et applicables pour tous les pays de l'UE », a déclaré le ministre belge des Finances, Vincent Van Peteghem, dans un communiqué.

Pour le commissaire européen à l'Économie, Paolo Gentiloni, les textes adoptés sont certes « plus complexes » que la proposition initiale de la Commission européenne, mais « ils en préservent les éléments essentiels : une planification à moyen terme plus poussée, une plus grande appropriation par les États membres dans un cadre commun, un ajustement budgétaire plus progressif pour refléter les engagements en matière d'investissements et de réformes ».

Une nouvelle procédure intégrée au 'Semestre européen'

Pour les États dont la dette dépasse 60% du PIB national ou dont le déficit public dépasse 3% du PIB, la Commission européenne soumettra, après un dialogue avec le pays concerné, une 'trajectoire de référence' ('reference trajectory'). Celle-ci exposera la politique budgétaire et économique à mener pour que le pays concerné parvienne à replacer sa dette publique excessive sur une trajectoire de réduction crédible à l'issue de la période (située entre 4 et 7 ans) agréée d'un commun accord.

Mais « ce n'est qu'une trajectoire de référence », a relevé Stéphanie Yon-Courtin (Renew Europe, française), répondant à EUROPE, estimant qu'un État membre pourrait être autorisé à suivre une trajectoire de dépenses nettes plus élevées s'il apportait des arguments solides validant ses propres paramètres.

Cette trajectoire de référence, qui sera de la seule responsabilité de la Commission, intégrera deux critères quantitatifs imposés par les pays comme l'Allemagne priorisant le sérieux budgétaire. Tout d'abord, les pays dont la dette publique dépasse 90% du PIB national devront réduire leur dette de 1% par an, et ceux dont la dette est située entre 60 et 90% du PIB national de 0,5% par an.

Deuxièmement, les eurodéputés ont accepté un critère numérique visant le déficit public afin de créer une marge de manœuvre budgétaire en cas de crise. Ainsi, les pays dont la dette publique dépasse 90% du PIB devront ramener leur déficit à hauteur de 1,5% du PIB, tandis que ceux ayant un endettement excessif situé entre 60 et 90% du PIB devront faire converger leur déficit en dessous de 2% du PIB. D'après un communiqué du PE, la réduction du déficit excessif n'interviendra qu'en période de croissance économique.

L'ensemble de ces paramètres numériques permettra d'établir une trajectoire de dépenses nettes ('net expenditure path') adaptée à la situation spécifique d'un État et permettant de maintenir sous contrôle les finances publiques et de réduire l'endettement graduellement.

Les États membres intégreront la trajectoire de dépenses nettes dans leur plan macroéconomique pluriannuel, qui détaillera leur politique budgétaire ainsi que les réformes et les investissements qu'ils entendent effectuer pendant la durée de ce plan d'au minimum 4 ans. Ils devront expliquer dans quelle mesure leurs investissements s'inscrivent dans les quatre priorités politiques de l'UE.

Un État pourra demander un délai supplémentaire, portant la durée du plan à 7 ans maximum, en justifiant les réformes et les investissements supplémentaires qu'il réalisera. Lors du premier cycle, les réformes et les investissements inclus dans les plans de relance nationaux post-Covid-19 pourront être inscrits dans un plan macrobudgéaire.

Il reviendra au Conseil de l'UE d'agréer in fine les plans macroéconomiques pluriannuels.

Une marge de manœuvre budgétaire accrue

Afin de créer une marge de manœuvre supplémentaire pour les investissements, les eurodéputés ont obtenu la possibilité d'exclure du calcul des dépenses budgétaires nettes les cofinancements nationaux sur les projets bénéficiant de fonds européens.

« Ce n'est pas l'accord rêvé, mais nous avons fait des progrès, surtout dans le domaine des investissements. Les cofinancements nationaux ne compteront plus dans le calcul des dépenses budgétaires nettes. Le Conseil proposait un plafond à 0,1% du PIB, la position du PE était un seuil de 0,25%. Au final, le Conseil a accepté une exemption sans aucune limite », a fait valoir Margarida Marques (S&D, portugaise), corapportrice du PE, lundi 12 février à EUROPE.

Selon une source parlementaire, cette disposition aura une réelle importance dans le cadre des négociations sur le cadre financier pluriannuel post-2027.

Chaque année, un État membre présentera un rapport d'étape de la mise en œuvre de son plan macrobudgétaire pluriannuel dans le cadre du processus budgétaire 'Semestre européen'. En situation de crise, il pourra même demander à déroger à ses obligations en activant une clause dérogatoire du Pacte, à l'image de ce qui a été fait au niveau de l'UE pour affronter la pandémie au printemps 2020.

Dans le volet 'correctif' du Pacte de stabilité, la Commission suivra l'évolution annuelle des dépenses d'un État membre via un compte de contrôle ('control account') qui permettra de suivre les déviations à la baisse/hausse par rapport à la trajectoire fixée des dépenses budgétaires nettes. Conformément au souhait du Conseil, la Commission devra présenter un rapport (basé sur l'article 126(3) TFUE) lorsque les déviations observées dans un 'control account' dépassent 0,3% du PIB annuellement ou 0,6% du PIB de façon cumulée sur plusieurs années.

Cette étape pourrait conduire in fine à l'ouverture d'une procédure pour déficit excessif basée (EDP) sur la dette publique. Toutefois, plusieurs facteurs pertinents ('relevant factors') pourront être pris en compte dans l'analyse afin de justifier une déviation et d'éviter l'ouverture d'une procédure, tels que l'augmentation des dépenses militaires, notamment pour soutenir l'Ukraine face à l'invasion militaire russe.

« Nous avons également considéré que les investissements dans les plans de relance pourront être pris en compte en tant que facteurs pertinents », a complété Mme Marques.

Par ailleurs, la corapportrice a fait valoir que les députés ont inscrit dans le futur Pacte le concept de 'convergence sociale'. « Il est clair maintenant que la coopération économique comporte une dimension sociale importante », a-t-elle ajouté. À ce titre, une réunion commune des ministres européens des Finances et des Affaires sociales aura lieu mardi 12 mars.

Mmes Marques et Yon-Courtin ont aussi évoqué l'importance de nouvelles dispositions renforçant l'appropriation des règles au niveau national avec une implication accrue des partenaires sociaux et des collectivités territoriales dans l'élaboration et le suivi des plans pluriannuels. Le Parlement européen jouera un rôle plus important en ayant accès à davantage d'informations et en tenant des dialogues spécifiques lors de sessions plénières.

Réunir une majorité au Parlement européen 

L'accord provisoire sur la révision du Pacte de stabilité doit encore être formellement validé par le PE et le Conseil de l'UE. Les ambassadeurs des États membres auprès de l'UE (Coreper) seront informés de l'accord mercredi 14 février.

Au Parlement, le soutien des groupes PPE et Renew Europe semble acquis. « Nous sommes satisfaits, même si nous aurions aimé moins d'arithmétique », a indiqué Mme Yon-Courtin. Et d'ajouter : « Sur les critères numériques, nous sommes restés sur le Conseil 'Écofin' de décembre. C'est le côté 'responsabilité'. Mais, il y a le coté 'flexibilité' dans la prise en compte des investissements dans les principales priorités stratégiques, comme la référence à la Loi Climat, qui nous donne une vision à long terme ».

Le groupe S&D pourrait être divisé. Les sociaux-démocrates allemands et nordiques devraient approuver l'accord. Les socialistes espagnols et portugais pourraient avoir plus de facilité à l'accepter avec la disposition relative à l'exemption des cofinancements nationaux. Les socialistes italiens pourraient être tentés de s'abstenir, tandis que les socialistes français pourraient voter contre après s'être déjà opposés à la position du PE.

Les groupes Verts/ALE et La Gauche voteront contre. Coprésident du groupe Verts/ALE, le Belge Philippe Lamberts a estimé, sur X, que le Parlement, refusant d'envisager un échec des négociations, avait « capitulé » face au Conseil, lui-même opposé à toute renégociation des critères numériques. Quant à Martin Schirdewan (La Gauche, allemand), il a prédit une nouvelle « crise de l'euro » en raison du retour de l'austérité économique. (Mathieu Bion)

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