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Bulletin Quotidien Europe N° 12915

22 mars 2022
Sommaire Publication complète Par article 11 / 33
SOCIAL / Interview social
Réfugiés ukrainiens, il faut dès à présent réfléchir à « la prochaine étape », estime Nicolas Schmit
Bruxelles, 21/03/2022 (Agence Europe)

Le commissaire européen à l’Emploi et aux Droits sociaux, Nicolas Schmit, s’est longuement entretenu avec EUROPE, vendredi 18 mars, sur les dossiers chauds qui sont sur sa table, à commencer par la crise des réfugiés et le Fonds social pour le climat en lien avec la crise de l’énergie. (Propos recueillis par Pascal Hansens)

Agence Europe : La Commission européenne a présenté dernièrement l'initiative CARE. Certains estiment que ce n’est pas suffisant. Tout d’abord, connaît-on précisément combien il reste de fonds dans le cadre par exemple du FSE de 2014-2020 ?

Nicolas Schmit : On connaît à peu près ce que sont les restants dans le Fonds social européen (FSE), le Fonds européen de développement régional (FEDER) et surtout dans REACT-EU, où il y a beaucoup d’argent. 

Le problème qui se pose, notamment pour le FSE, c'est que quelques pays directement concernés par la vague de réfugiés, comme la République tchèque, n’ont plus de fonds disponibles. Les pays baltes n'ont pratiquement plus rien non plus, car ils ont tout utilisé. En fait, ceux qui ont bien travaillé, qui ont absorbé tout l'argent, se retrouvent un peu en difficulté.

...Est-ce que la Commission européenne travaille dès lors sur une suite à l’initiative CARE ?

Bien sûr, il faut réfléchir à une prochaine étape ! Il ne faut pas s'attendre à ce que la guerre se termine demain. Aujourd’hui, on est à 3 millions de réfugiés, mais on va certainement atteindre 4 peut être 5 millions et il ne faut pas exclure les pires scénarios, à savoir 10 millions de réfugiés.

Les pays en première ligne sont en difficulté. Il faut réfléchir à d'autres moyens. Alors, le budget européen pour le moment n'a plus tant de flexibilité. On est engagé dans un processus de réflexion sur éventuellement d'autres approches, y compris financières, mais il est trop tôt pour aller dans les détails.

La stratégie européenne est-elle d’intégrer sur le long terme les réfugiés sur le territoire européen ?

Il faut penser sur le long terme. Hier on a eu une réunion avec les partenaires sociaux, la CES et BusinessEurope entre autres. Ils sont absolument disposés à travailler dans cette logique d'intégration dans le marché du travail. Il faut envisager que ces jeunes puissent s’intégrer dans des apprentissages et des formations.

Du terrain, nous remonte que les réfugiés, principalement des femmes, veulent travailler. Les réfugiés ne veulent pas rester dans des camps. Il faut donc évaluer leurs compétences.

Autre point d’importance : certes, il y a un élan de solidarité avec l'Ukraine pour le moment. Mais ça ne va pas durer éternellement. Il ne faut pas donner l’impression aux gens que les aides et les politiques sociales en faveur des réfugiés vont se faire à leur détriment. C’est important de ne pas perdre cela de vue.

Peut-on orienter les réfugiés dans des secteurs en pénurie de main-d'œuvre ?

Oui, bien sûr. Je crois que là où les gens ont plus de chances de trouver un job, c'est dans les secteurs en tension. Un autre enjeu est d’éviter les abus. Il y a le problème des trafiquants. Les réfugiés sont dans une situation de vulnérabilité et risquent d'être exploités. C’est un point sur lequel il faut être intraitable.

À présent, parlons du Fonds social pour le climat. Depuis le début, vous avez un rapport quelque peu conflictuel avec ce Fonds...

Non, pas du tout, je n’ai pas de rapport conflictuel avec ce Fonds ! Certains avaient des doutes sur l'extension du système ETS d’échange de quotas d’émission aux secteurs du transport routier et de la construction. Je ne cache pas que j'en fais partie.

Néanmoins, si on considère que l'extension de l’ETS aux secteurs donnés sera acceptée, ça doit l'être en liaison forte avec le Fonds. Pour l’heure, les États membres sont très divisés. On retrouve des gens a priori très 'pro-climat', qui sont contre l’extension de l'ETS.

Est-ce que modifier la part d’aide directe au revenu ou modifier la part du système 'ETS 2' dirigé vers le Fond social peut-être une possibilité ?

Ce sont des possibilités, évidemment ! Écoutez, personne, quand on a soumis ce projet sur les systèmes ETS, ne pensait qu'on aurait une telle flambée des prix de l'énergie. On a maintenant des prix de l'énergie qui vont bien au-delà de ce que seraient les prix du passé avec l’extension de l’ETS.

Aujourd'hui, dans beaucoup de pays, on subventionne les prix, soit à travers les taxes, soit à travers des chèques. On se retrouve dans une logique redistributive sans ETS, même s’il y a évidemment des recettes supplémentaires, puisque plus le prix augmente, plus la taxe rapporte.

Il faut prendre en compte maintenant la situation réelle sur les marchés de l'énergie. C’est clair pour moi et je crois pour le vice-président Timmermans aussi, d'ailleurs.

Certains suggèrent qu’on pourrait élargir le champ d'application du Fonds aux entreprises vulnérables. Est-ce que, pour vous, c’est une bonne approche ?

Ça n’a pas été pensé comme ça. Je comprends la logique. Mais est-ce que le Fonds social pour le climat est le bon instrument ? Je ne veux pas me prononcer, mais j’émets un gros point d'interrogation.

Autre sujet : la protection des travailleurs face à l’amiante. Où en est la Commission sur ce projet législatif ?

Je suis en plein soutien du Parlement sur ce problème de l'amiante. C'est un sujet qui doit être traité de façon prioritaire. On a promis une communication qui va englober tous les aspects de l'amiante après l’été. On va travailler sur les normes d'exposition. Le processus est lancé avec l'expertise, les partenaires sociaux, etc... J'espère présenter une directive en septembre ou octobre.

Autre chose, le Parlement européen demande une sorte de registre sur les différents bâtiments contenant de l’amiante. Cela fait sens. Mais c’est un travail herculéen ! Je ne suis pas sûr non plus qu'on ait les compétences pour imposer cela dans les traités européens. Mais on peut proposer des recommandations.

Concernant la reconnaissance comme maladies professionnelles des maladies liées à l’amiante, là on n'a pas le pouvoir d'imposer quoi que ce soit. C’est lié à la sécurité sociale, mais on va certainement faire une recommandation. 

Concernant la directive sur les salaires minimaux, est-ce que vous pensez toujours qu'il est possible de trouver un accord sur ce texte sous Présidence française du Conseil de l'UE?

La France s'est engagée fortement au plus haut niveau. J'exprime le souhait le plus fort qu’effectivement, on arrive avant la fin de la Présidence à un accord avec les co-législateurs.

Il y a un sujet central, l’article 5, sur le salaire minimum adéquat. Ce qu'on a proposé finalement est une solution médiane. Si on affaiblit trop l'article, ce serait affaiblir toute la directive. Mais il ne faut pas non plus l'alourdir, y compris avec plein de choses qui n'ont pas directement leur place dans le salaire minimum. Il s’agit d’une directive principalement sur les salaires minimaux et non pas d’une directive sur la lutte contre la pauvreté.

Mais il y a des éléments qui, bien sûr, peuvent enrichir cet article, donc il faut voir jusqu’où on peut aller. D'ailleurs, j'attends aussi que ceux qui sont très attachés à cette directive lèvent un peu la voix et qu’ils demandent à ce qu'on avance plus vite. 

Concernant l'ESSPASS, où en sommes-nous sur le projet pilote ? Jusqu’il y a peu, il n’y avait que l’Italie...

Oui, il y a plus de pays maintenant : l’Espagne, le Portugal, la France, la Suède, l'Allemagne aussi. La Direction générale de la Commission travaille, si elle trouve du répondant du côté des États membres. Maintenant, ça bouge, ce que je salue. Mais il faut que ça bouge un peu plus vite. On a réussi à faire quelque chose rapidement pour répondre à la Covid-19 (le ‘Green Pass’ – NDLR). Pourquoi serait-il absolument impossible de faire quelque chose dans le domaine social ? 

Concernant le règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, l'accord interinstitutionnel a été pour la 2e fois torpillé en décembre par les États membres. Est-ce que la Commission européenne songe éventuellement à retirer le texte, à le retravailler ?

La Commission ne va pas retirer le texte. Mais il faut revenir, là aussi, vers des positions un peu plus équilibrées. C'est un texte difficile. Avec l'introduction de la notification préalable, il est devenu encore plus compliqué, parce qu’il unit des camps avec des positions très différentes.

On voit qu’on a mis 10 ans pour l’équilibre des femmes et des hommes dans les conseils d’administration. J'espère que ça ne va pas durer 10 ans... Il faut regarder comment on peut relancer le moment venu.

Sur la directive encadrant les plateformes numériques, certains affirment que la France a peu d'appétence pour prendre vraiment ce dossier à bras-le-corps. La France traîne-t-elle les pieds ?

J’espère que non... 

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