Les élections européennes, 40 ans après
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Paru dans la collection « Études parlementaires », cet ouvrage réunit un ensemble de contributions (en français ou anglais) tirées des travaux d’un colloque international qui s’est tenu à l’Université de Bordeaux les 9 et 10 mai 2019, soit quarante ans après les premières élections européennes au suffrage universel direct. Ces différentes contributions retracent les évolutions institutionnelles et analysent les forces et les faiblesses du Parlement européen à l’intérieur du système politique européen. Cette analyse accorde une place importante aux défis politiques que représentent le populisme, les attaques contre l’État de droit et la crise de confiance qui affecte les démocraties occidentales. Elle s’intéresse aussi au rôle du Parlement européen dans des domaines comme la coopération pénale, la gouvernance économique et monétaire ou encore l’asile et la migration.
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« Le Parlement européen doit jouer, peut jouer et joue un rôle en conciliant les préférences des citoyens européens qui constituent son électorat. Il n’est pas totalement exclusif dans sa prétention à (les) représenter, mais son élection directe lui confère une légitimité unique dans l’ordre constitutionnel hybride européen », souligne d’emblée le professeur de droit constitutionnel Léonard Besselink (Université d’Amsterdam). Les élections européennes participant au « processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe », Laurence Potvin-Solis (Université de Caen) analyse la relation entre les élections européennes et l’identité nationale des États membres et souligne que les progrès vers une réelle européanisation du système électoral demeurent lents.
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Si certains auteurs mettent en cause les réticences des États membres face à un rôle accru du Parlement européen, d’autres sont beaucoup plus critiques à l’égard de l’institution parlementaire. C’est le cas de Romain Tinière, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes, qui souligne les discordances entre les prises de position du Parlement en faveur des droits fondamentaux et les votes émis dans le cadre des procédures législatives, notamment celles concernant la directive de 2006 sur la conservation des données et la directive de 2008 sur le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. « Les contraintes qui pèsent sur son action ne sont évidemment pas les mêmes lorsqu’il use de résolutions et de rapports dans le cadre de sa fonction de surveillance et d’alerte et lorsqu’il participe au processus normatif dans le cadre de sa fonction de définition des droits fondamentaux », reconnait néanmoins Romain Tinière avant d’ajouter : « Peut-être le temps est-il venu pour le chevalier blanc des droits de l’homme en Europe de laisser la place à un Parlement moins préoccupé par son discours et davantage par son action concrète en faveur de la protection effective des droits fondamentaux en Europe ».
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Diane Fromage (Université de Maastricht) s’en prend à la procédure des Spitzenkandidaten qu’elle juge inappropriée, notamment parce qu’elle peut susciter des attentes et se solder par un échec, comme cela a été le cas en 2019. L’auteur conteste aussi l’idée de listes transnationales au motif, notamment, que cela conduirait à avoir deux classes de députés européens. En revanche, Diane Fromage préconise la constitution d’une deuxième chambre (ou troisième si on considère comme tel le Conseil) composée de délégués des parlements nationaux pour réduire les incompréhensions entre parlementaires nationaux et européens. L’argumentation laisse à désirer, mais tout cela participe d’un débat qui ne manquera pas de resurgir dans les travaux de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. (Olivier Jehin)
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Tony Marguery, Sébastien Platon et Hanneke van Eijken. Les élections européennes, 40 ans après – Bilan, enjeux et perspectives. Bruylant. ISBN : 978-2-8027-6541-7. 490 pages. 60,00 €
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Réinventer les aurores
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Une œuvre de Pierre Soulages en guise de couverture et une invitation à refaire le monde en guise de titre. Fermé, cet ouvrage était déjà séduisant. Il méritait d’être ouvert et lu, même si le plaidoyer pour la fraternité et une espérance renouvelée aurait, à mon sens, gagné à dépasser les frontières hexagonales dans lesquelles le grand rabbin de France, Haïm Korsia, s’attache à le confiner.
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Poésie, actualités, retour sur images bibliques, sagesse talmudique s’entrecroisent dans cette « ode à l’outre-noir politique, moral et spirituel » de notre temps. Un « outre-noir » qui est « le royaume ici-bas de la lumière qu’il faut moins attendre que susciter », nous dit Haïm Korsia avant d’ajouter : « Là où nous ne voyons plus rien, s’impose la possibilité de rallumer des flambeaux et des étoiles. Là où nous croyons que l’obscurité va vaincre, s’éveille le désir même de la traverser, de l’embraser et de la transformer ». Car « il y a un chemin qui tourne le dos au renoncement, qui ose parler d’intelligence et d’allégresse, et même d’enchantement, et que, devant toutes les grandes questions qui se posent aujourd’hui dans notre société, il est possible d’espérer, obligatoire de rêver et salutaire d’échanger pour retrouver notre capacité à inventer de nouveaux possibles ».
Ce chemin, nous explique l’auteur, passe par le dialogue dans le respect de chacun et, surtout, par « la réappropriation par chacun de son pouvoir sur l’action publique », condition première de la démocratie.
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« N’en déplaise aux déclinistes malheureux qui égrènent leur petite musique à longueur d’ouvrages ou d’interviews, le monde, qui ne va pas si bien, certes, ne va globalement pas plus mal non plus. Comme toujours, des hommes et des femmes se battent, avec leurs moyens, pour transformer la société, et nous pouvons en être fiers. Mais s’acheminer vers des lendemains plus heureux n’implique pas, bien au contraire, de regretter à longueur de temps et d’imprécations un passé travesti par la rhétorique facile et l’aigreur triste », affirme Korsia. Et de mettre en garde : « Méfions-nous terriblement de cette tentation ‘réactionnaire’ au sens propre : s’il est parfois bon, en effet, de conserver ce qui est porteur de valeurs, de civilisation, d’espoir, si les traditions, l’histoire et la mémoire nous ancrent dans un sol plus fertile, c’est toujours parce que nous acceptons d’y grandir, d’y voir naître et fleurir de nouvelles plantes jusque-là inconnues, puisque impensables, de nouvelles idées, de nouveaux possibles ».
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« La communication politique ne peut pas plus se substituer à l’action politique que la publicité ne peut remplacer un film, ou le slogan un poème. On veut bien voir une bande-annonce, on veut bien lire un bandeau annonçant l’’événement’, mais à condition que l’épopée suive et que chacun y prenne part. Notre société gavée de papier pelliculé, de tweets, saturée d’annonces grandiloquentes et contradictoires, sans cesse ballottée entre news et fake news, est confrontée à son pire ennemi, qui lui est intérieur : l’impatience. Notre miroir nous renvoie sans cesse des images trépidantes, la catastrophe est toujours imminente, le réel semble tissé d’une succession de flashs qui nous éblouissent trop pour que nous parvenions à reconstituer la toile d’ensemble, à distinguer le tissu, à en apprécier les nuances et la douceur », écrit encore Haïm Korsia, qui appelle au fil des pages à de plus grands efforts de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, à la défense de la laïcité comme cadre d’exercice de la liberté de culte, à une meilleure politique d’intégration des personnes d’origine étrangère, à une utilisation responsable des ressources naturelles dont chaque génération n’est qu’affectataire ou encore à davantage de décentralisation et moins d’uniformisation.
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La conclusion s’applique à nos confinements et a valeur universelle : « De toute épreuve dont nous resurgissons, l’espérance se fait le signe possible d’un autre avenir, qui nous reste à désirer, à imaginer, à susciter – par les paroles et par l’action, dans le partage et dans la confiance. L’obscurité s’approfondit toujours, non pour nous engloutir, mais pour nous faire traverser, serait-ce sur des barques fragiles, les angoisses du présent et les doutes de demain ». (OJ)
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Haïm Korsia. Réinventer les aurores. Fayard. ISBN : 978-2-213-71300-7. 206 pages. 17,00 €
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Techno-féodalisme
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Avec cet ouvrage, l’économiste Cédric Durand, maître de conférences à l’Université Paris XIII, explore l’hypothèse techno-féodale selon laquelle les mutations entraînées par la numérisation du monde conduisent à une grande régression néo-féodale. Sous la surface des mythes véhiculés par « l’idéologie californienne » comme le partage d’informations et de connaissances, l’accélération des échanges et de l’innovation, l’autonomie, la mobilité ou encore la promesse d’une prospérité partagée, l’auteur met à nu les effets réels de la numérisation telle qu’elle est conduite par les géants du numérique (GAFAM) et certains États au premier rang desquels figure la Chine.
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« Dans les entrepôts d’Amazon ou de Lidl, sur les plateaux des centres d’appels, dans les cabines des chauffeurs routiers ou aux caisses des supermarchés, les technologies de l’information permettent de mener la chasse aux temps morts, d’introduire de nouvelles exigences vis-à -vis des travailleurs et de déployer des instruments de surveillance qui débordent amplement sur leur vie privée », constate Cédric Durand en dépeignant une déshumanisation accélérée du travail.
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« Après la Seconde Guerre mondiale et les procès de Nuremberg, le consentement éclairé a été posé comme l’un des réquisits éthiques pour les expérimentations sur des sujets humains. Dans le cadre des expériences en ligne, cependant, ce principe est largement bafoué, le consentement étant le plus souvent extorqué via les conditions générales d’utilisation des plateformes validées lors de l’inscription. À l’âge du numérique, massification de l’expérience et extension du contrôle vont de pair. Si au XIXe siècle, « il y a de fait une affinité profonde entre le savoir expérimental et le pouvoir des institutions disciplinaires », on peut dire qu’au XXe siècle, le développement des expérimentations en ligne est associé à un pouvoir de surveillance totale », souligne l’auteur dans une analyse acérée du capitalisme numérique et de l’exploitation des Big Data.
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« Le système de crédit social chinois n’est pas qu’une curiosité techno-maoïste, une figure repoussoir que l’on pourrait commodément rabattre sur le caractère autoritaire du régime. À l’âge des algorithmes, la multiplication de systèmes d’évaluation plus ou moins centralisés, plus ou moins automatiques et plus ou moins transparents devient un problème transversal », estime Cédric Durand en soulignant que les mêmes questions - Qui conçoit ces systèmes ? À quelles fins ? Avec quels effets ? - se posent « aussi bien pour le système de crédit social chinois que pour les multiples dispositifs administratifs et commerciaux d’évaluation qui sont développés dans les sociétés occidentales ».
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Après avoir décrit la structure féodale et rappelé les liens de dépendance et de contrôle qui caractérisaient le servage, l’auteur estime que « les grands services numériques sont des fiefs dont on ne s’échappe pas ». Et d’ajouter : « Cette situation de dépendance des sujets subalternes vis-à -vis de la glèbe numérique est essentielle, car elle détermine la capacité des dominants à capter le surplus économique. Le modèle théorique correspondant à cette configuration où dépendance et contrôle du surplus vont de pair est (…) celui de la prédation ». (OJ)
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Cédric Durand. Techno-féodalisme – Critique de l’économie numérique. Zones. Éditions La Découverte. ISBN : 978-2-35522-115-6. 254 pages. 18,00 €
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Freedom of Expression and the Internet
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Dans cet ouvrage, Wolfgang Benedek et Matthias Kettemann nous rappellent en quoi consiste la liberté d’expression, y compris dans l’exercice des libertés d’opinion et de presse, de la liberté artistique ou encore de l’accès à Internet en tant que droit, en partant de la Convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. L’ouvrage aborde aussi les droits corollaires que sont le droit d’association, l’éducation et l’accès à la connaissance.
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Les auteurs soulignent que la liberté d’expression peut faire l’objet de restrictions prévues par la loi dès lors qu’elles sont justifiées par un objectif légitime et proportionnelles à l’objectif poursuivi. En principe, la liberté d’expression online est protégée de la même façon qu’elle le serait offline. Toutefois, les spécificités de l’Internet (son effet amplificateur, l’ubiquité de l’information publiée et l’impossibilité de supprimer cette information) doivent être prises en compte dans l’analyse des restrictions. Si la nécessité de protéger les enfants a été pleinement reconnue par la jurisprudence de la Cour, la lutte contre les discours de haine reste tributaire des sensibilités culturelles et religieuses des États.
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« Les médias sociaux n’agissent pas comme un miroir fidèle de la société. (…) Un très petit nombre d’agents produisent la plus grande part du contenu d’Internet. Les producteurs médias qui cherchent par stratégie à désinformer sont particulièrement actifs. Cela explique la perception selon laquelle les théories du complot sont largement acceptées (elles ne le sont pas) ou que tout le monde est beau, mange de la cuisine gastronomique et est tout le temps en vacances (ils ne le sont pas). Dans le même temps, le nombre de likes, shares, followers ou de commentaires n’assure pas une bonne mesure de popularité. Ces données mesurent les consultations et peuvent facilement être manipulées en achetant des followers, par exemple », rappellent les auteurs, qui soulignent aussi que les suggestions issues des algorithmes ne sont jamais neutres, mais servent les objectifs qui leur sont assignés par les agents économiques que sont les plateformes. Si les États ont le devoir de respecter et de protéger les droits de l’homme, les entreprises du secteur privé ont également des obligations croissantes envers leurs usagers, estiment les auteurs, qui appellent de leurs vœux le développement d’une société de l’information inclusive, centrée sur les personnes et respectueuse des droits de l’homme. (OJ)
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Wolfgang Benedek et Matthias C. Kettemann. Freedom of Expression and the Internet. Updated and revised 2nd edition. Éditions du Conseil de l’Europe (http://book.coe.int ). ISBN : 978-92-871-9023-9. 236 pages. 29,00 €