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Bulletin Quotidien Europe N° 12564

22 septembre 2020
Sommaire Publication complète Par article 31 / 31
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N° 021

El debate ciudadano en la Conferencia sobre el Futuro de Europa

Dans la perspective de la Conférence sur l’avenir de l’Europe qui devrait, en principe, s’ouvrir à la fin de l’année pour se conclure au 1er semestre 2022, le Conseil fédéral espagnol du Mouvement européen a choisi de réunir dans cet ouvrage les contributions de 60 personnalités, universitaires, politiques ou de la société civile. L’ouvrage vise à la fois à présenter le processus qui a conduit à la conférence et ses objectifs et à fournir une base documentaire sur l’état de l’Union et les défis qu’elle doit relever. Plusieurs contributions soulignent la nécessité d’une large participation de la société civile et l’impératif de parvenir à un résultat concret en termes de réforme de l’UE.

Si certains articles visent à retracer, de façon très rigoureuse, l’histoire de la construction européenne ou à présenter, avec beaucoup d’objectivité, certaines politiques européennes, de l’UEM au Green Deal en passant par les migrations ou le commerce, nombreux sont aussi ceux qui appellent à davantage d’intégration, voire adoptent un ton clairement fédéraliste. On y rencontre notamment un article du socialiste espagnol Domènec Ruiz Devesa et de l’assistant parlementaire Alejandro Peinado Garcia qui promeut, entre autres, le Spitzenkandidat et les listes transnationales pour les élections européennes. Beaucoup d’articles évoquent évidemment la crise du coronavirus pour appeler, à l’instar de l’ancien président du Parlement européen, Enrique Barón Crespo, à un renforcement de la solidarité européenne ou, comme Josep Borrell (dans l’avant-propos), à plus d’efficacité dans la prise de décision, ce qui, pour le Haut Représentant, passe par une première extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil. Un besoin que n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler la présidente de la Commission européenne dans son premier discours sur l’état de l’Union, le 16 septembre au Parlement européen à Bruxelles.

L’ancien vice-président du gouvernement basque Ramon Jauregui va plus loin dans la description des réformes institutionnelles qu’il juge nécessaires : doter la Commission d’une plus grande capacité de décision et d’initiative politique ; améliorer et rendre plus transparents les trilogues ; renforcer la transparence du Conseil pour la rendre similaire à celle d’une chambre parlementaire ; renforcer le Parlement (contrôle de l’exécutif, initiative politique, extension de la codécision) ; clarifier les pouvoirs du Parlement en matière de nomination ; utiliser la clause passerelle pour étendre l’utilisation de la majorité qualifiée, mais l’auteur estime qu’il serait préférable de modifier le traité pour limiter l’utilisation de l’unanimité à des questions particulièrement graves ; adopter une nouvelle loi électorale européenne incluant les listes transnationales et prévoyant la nomination comme président de la Commission du candidat qui a conduit la liste arrivée en tête ou de celui qui dispose d’une majorité suffisante.

Jauregui y ajoute une liste des défis que l’UE doit relever le plus rapidement possible : (1) la relation future entre l’UE et le Royaume-Uni ; (2) l’architecture institutionnelle de l’Union monétaire, qui doit être consolidée (l’auteur suggère aussi d’accélérer l’adhésion à la monnaie commune de tous les États membres à l’exception du Danemark) ; (3) l’harmonisation fiscale ; (4) la reconstruction de la politique migratoire avec une double dimension de contrôle et d’accueil (révision du règlement de Dublin, avec plus de coordination et de solidarité dans la gestion des réfugiés, mais aussi avec un plan européen de gestion intégrale de l’immigration socioéconomique, y compris l’insertion sociale des immigrants), selon l’auteur, qui souligne que la démographie européenne rend nécessaire l’accueil de migrants ; (5) un « New Social Deal » fondé sur le corpus de droits existants et la lutte contre la dérégulation et la compétition sauvage (dans un autre article, Maria Hernandez Peribáñez, qui enseigne à l’université de Valladolid, évoque une « politique sociale commune ») ; (6) le New Green Deal ; (7) l’Agenda numérique ; (8) renforcer l’efficacité du marché unique, avec plus d’harmonisation dans tous les secteurs ; (9) la politique extérieure et de sécurité, avec « l’élimination » de l’unanimité et le développement d’une « véritable Union européenne de la défense » ; (10) l’élargissement aux Balkans, avec un cadre de négociation à mettre en place sous cette législature afin de rendre les adhésions possibles durant la suivante (l’auteur souligne qu’à défaut, cette région deviendra de plus en plus un terrain de jeu pour la Chine et la Russie) ; (11) le marché financier, qui doit être régulé au niveau de l’Union dans toutes ses dimensions ; (12) la lutte contre les nationalismes anti-européens, avec notamment plus d’échanges culturels et universitaires.

Il n’est pas possible de construire une Europe politique avec une défense déléguée à une organisation extérieure à l’Union européenne, affirme le général Ruben Garcia Servet, qui a commandé jusqu’au début de cette année le centre d’opérations aériennes combinées de l’OTAN à Torrejón. Et d’ajouter : « Une entité politique doit être stratégiquement indépendante. Cette indépendance stratégique exige par définition une défense autonome, une capacité de se défendre de manière autonome ». Mais force est de constater que « l’UE répète avec force dans ses documents une volonté d’indépendance stratégique qui, en réalité, se noie dans des mots sans rapport avec l’essence de ce concept ». Ce n’est dès lors rien de plus qu’une « ambition affichée » sans application concrète. Une indépendance stratégique nécessite de développer une industrie européenne de l’armement et divers instruments, mais elle consiste surtout à rendre effective la clause de défense mutuelle contenue dans l’article 42.7 TUE, estime Rubén García Servet. « L’Europe politique n’a pas d’avenir sans défense collective propre et aucune indépendance stratégique n’est possible sans autodéfense crédible », affirme encore le général, pour qui cette défense, y compris sous l’angle des technologies et du développement industriel, doit être financée en commun et véritablement européenne : elle ne peut pas consister à soutenir (et additionner artificiellement) des capacités développées pour des États membres distincts ou des technologies d’origine étrangère ; le Royaume-Uni qui a quitté l’UE ne peut plus y participer. Pour débloquer le dossier de la défense européenne, il faut se débarrasser d’une série d’affirmations ou de réflexes dogmatiques, ajoute le général García Servet, qui cite : la non-duplication avec l’OTAN ; la restriction mentale sur l’autodéfense qui fait de l’article 5 du Traité de Washington l’unique recours de défense collective, alors que celle-ci devrait pouvoir être exercée en première instance au niveau européen ; la limitation de l’UE à des missions de faible intensité ; la « définition dépassée » de l’UE comme puissance civile ; la dissuasion nucléaire (qui devra être débattue au niveau européen) ; l’infériorité militaire de l’UE (qui durera tant qu’on ne se sera pas donné les moyens d’y remédier). Olivier Jehin

 

Francisco Aldecoa Luzarraga (sous la direction de). El debate ciudadano en la Conferencia sobre el Futuro de Europa. Marcial Pons. ISBN : 978-84-9123-846-8. 553 pages. 45,60 €

 

Comme un empire dans un empire

Malgré ce titre emprunté à une citation de Spinoza, c’est bien dans le monde contemporain que nous entraîne Alice Zeniter. Un monde de surfaces et de profondeurs où chacun peut, à sa manière, naviguer et plonger, surnager ou sombrer. Un monde du dedans et du dehors, avec ses enchevêtrements d’espérances, de rencontres, d’affrontements et d’angoisses.

Le roman débute à l’automne 2018 dans la France des ‘Gilets jaunes’ pour se terminer au printemps 2019, juste avant les élections européennes. Deux existences parallèles s’y rejoignent au-delà de leurs propres contradictions. Antoine est l’assistant parlementaire d’un député socialiste à l’Assemblée nationale. Il rêve, sans y parvenir, d’écrire un livre sur la guerre d’Espagne. Il veut croire qu’il peut être utile dans la bulle qui est la sienne. L (comme Leila ?) est hackeuse et dépendante du Web. Elle vit dedans et n’en sort que très peu, le plus souvent pour porter secours à des femmes harcelées sur le Net.

Réel et virtuel forment ces empires imbriqués auxquels chacun à sa manière est confronté. Ils nous plongent, en un temps record, dans une vaste gamme d’univers différents, avec leurs codes et leurs vocabulaires respectifs. La langue est riche et la structure du roman simple et efficace. On regrettera, ici où là, quelques longueurs et, surtout, le peu de soin apporté par l’éditeur à la relecture et à la ponctuation. (O.J.)

 

Alice Zeniter. Comme un empire dans un empire. Flammarion. ISBN : 978-2-0815-1543-7. 394 pages. 21,00 €

 

Multilatéralisme : crises et perspectives

Le diplomate et ancien ministre suisse Jean Zwahlen brosse le tableau d’un multilatéralisme en crise, soumis aux attaques de Donald Trump qui fait ainsi « à Xi Jinping le plus beau cadeau qu’il eût pu souhaiter ». Alors que le président américain a réduit les contributions des États-Unis à l’ONU, dénoncé des traités, grippé le fonctionnement d’institutions, etc., la Chine a eu beau jeu de faire profession de foi de multilatéralisme et de s’engouffrer dans l’espace laissé vacant. Pour autant, la conception chinoise du multilatéralisme reste marquée par l’intransigeance que Pékin manifeste dans au moins quatre domaines : le capitalisme étatique, la non-ingérence, la propriété intellectuelle et les droits de l’homme, rappelle Jean Zwahlen, qui s’inquiète de la rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine.

« Le multilatéralisme est en péril », mais « il n’est pas en danger de mort », notamment parce que la Chine est en train de reprendre sa place historique de grande puissance et qu’elle « veut que le monde lui ressemble ». Mais cela signifie que « l’épicentre du multilatéralisme se déplace progressivement vers l’Asie », souligne l’auteur en constatant que « toutes les nouvelles organisations ont leur siège en Chine » et que « l’Occident a déjà largement perdu sa prépondérance dans les droits de vote de ces institutions ». « Géopolitiquement, le déplacement de l’épicentre du multilatéralisme comporte des dangers pour les démocraties et leurs valeurs, parce que la Chine lutte ouvertement pour déconsidérer les régimes démocratiques et légitimer les modes de gouvernance autocratiques », estime Zwahlen, qui ajoute que « face à cette évolution, l’Europe, qui est faible politiquement en raison de sa construction inachevée, est dans une situation délicate, car elle ne peut plus compter sur l’indéfectibilité de l’Alliance atlantique et est toujours plus confrontée à une Chine conquérante. Fasse qu’elle puisse se ressaisir pendant qu’il est encore temps ! ».

Dans la même publication, Jean Zwahlen décrypte les enjeux de la 5G pour l’Union européenne et la Suisse et appelle là encore à de véritables efforts européens. (O.J.)

 

Jean Zwahlen. Multilatéralisme : crises et perspectives. Fondation Jean Monnet. Collection Débats et documents, n° 17, juillet 2020. ISSN : 2296-7710. 53 pages. L’essai peut être téléchargé gratuitement sur le site de la fondation : http://www.jean-monnet.ch

 

Fairness in EU Competition policy: Significance and Implications

Cet ouvrage collectif propose une analyse critique du concept d’équité dans la politique européenne de la concurrence. Comme le rappellent plusieurs contributions, l’utilisation du terme « équité » ou de l’expression « concurrence équitable » s’est surtout développée à partir de l’activité de communication de la Commission alors que le mot n’apparaît que deux fois dans la section du traité consacrée à la concurrence. Ainsi, l’article 102 TFUE dispose que l’abus de position dominante peut consister notamment à « imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables ». Et, comme le souligne Pinar Akman (Université de Leeds), cet article ne définit en rien ce que peuvent être ces « conditions non équitables », avec pour conséquence un risque d’insécurité juridique.

D’autres auteurs, comme les avocats Maurits Dolmans et Wanjie Lin (Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP), rappellent qu’en droit, la notion d’équité a principalement été développée à partir de l’article 6 (procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme, même si elle a aussi trouvé une place dans le droit des contrats et la protection des consommateurs. Ils estiment que « le concept d’équité est trop subjectif et imprécis » pour être utilisé dans la définition et la mise en œuvre de la politique de concurrence. Il n’est pas non plus nécessaire, parce qu’il existe déjà d’autres concepts plus objectifs et plus rigoureux : - le bien-être des consommateurs (consumer welfare) ; - « l’effet anticoncurrentiel » et « la compétition sur la base du mérite », comme critères de base pour évaluer la conformité à l’objectif d’une concurrence libre et non faussée ; - la proportionnalité et « l’effet utile » pour évaluer les remèdes ; - le respect des procédures et de l’État de droit.

Le président du Tribunal (General Court) de l’Union européenne, Marc van der Woude, rappelle qu’il n’existe pas de principe général d’équité en droit européen et que le Tribunal doit même écarter les considérations d’équité lorsque la mesure contestée correspond au résultat souhaité par le législateur européen. Le souci d’équité peut néanmoins guider les juges chaque fois que la règle de droit applicable laisse la porte ouverte à diverses interprétations ou dans les cas où le législateur accorde au Tribunal une compétence de pleine juridiction sur la base de l’article 261 TFUE, ce qui est notamment le cas pour les amendes ou astreintes imposées par la Commission dans les affaires de concurrence. (O.J.)

 

Damien Gerard et autres. Fairness in EU Competition Policy: Significance and Implications – An Inquiry into the Soul and Spirit of Competition Enforcement in Europe. Bruylant. ISBN : 978-2-8027-6632-2. 185 pages. 80,00 €

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