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Bulletin Quotidien Europe N° 13014

6 septembre 2022
Sommaire Publication complète Par article 31 / 31
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N° 066

Pourquoi la guerre en Ukraine risque d’affaiblir l’Europe dans le monde

Cet article, paru dans le dernier cahier du GRASPE, souligne que les conséquences cumulées de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine ont des effets nettement plus importants dans les pays du Sud que dans les pays riches. Ces conséquences ont remis en cause le mouvement – certes lent – de convergence des niveaux de vie à l’échelle mondiale observé depuis plusieurs décennies.

La guerre contre l’Ukraine entraîne ce qu’on appelle une « stagflation » mondiale, combinant une forte inflation et une stagnation économique, voire une récession. Une situation qu’on n’avait plus connue depuis les années 1970, rappellent les auteurs de l’article. La guerre a aussi fortement perturbé les exportations de céréales et d’engrais. « Or, l’impact de la hausse des prix alimentaires est bien plus important dans les pays du Sud que dans les pays développés : l’alimentation pèse pour moins de 20% du budget des ménages dans les pays riches, mais elle représente 40% en Afrique subsaharienne », notent les auteurs. Selon le programme alimentaire mondial, le nombre de personnes sous-alimentées était de l’ordre de 132 millions avant la pandémie et de 276 millions début 2022. Il avoisinerait actuellement 323 millions de personnes.

« Dans le même temps, les banques centrales font monter partout les taux d’intérêt pour combattre l’inflation. Mais, là encore, ce mouvement est nettement plus marqué dans les pays émergents et en développement. (…) On observe un début de défiance des investisseurs à l’égard des pays du Sud. Ceci dans un contexte où la dette extérieure de ces pays avait fortement augmenté ces dernières années, poussée souvent par la Chine qui détient aujourd’hui plus de la moitié de la dette des pays du Sud », observent les auteurs.

Pour les auteurs du GRASPE, « les Européens doivent être conscients des risques géopolitiques majeurs associés à ce changement de paradigme et agir pour les limiter ». « Au cours de la pandémie de Covid-19, beaucoup de rancœur s’était accumulée dans de nombreux pays du Sud en constatant le peu d’empressement des pays développés à venir à leur secours (…). Aujourd’hui, beaucoup de ces pays, encouragés par l’appareil de propagande russe, ont tendance à rendre les Européens, et plus largement l’Occident, responsables des problèmes causés par la guerre contre l’Ukraine du fait de leurs sanctions ». S’il faut combattre la désinformation russe, « il y a fort à parier que cet effort restera vain s’il ne s’accompagne pas d’une action puissante et massive de solidarité concrète pour aider les pays du Sud à limiter les effets de la guerre », affirment les auteurs, qui estiment qu’il faudrait réussir à mobiliser les institutions internationales (ONU, Banque mondiale, FMI, FAO, PAM, G7 et G20) pour soutenir activement les pays les plus vulnérables, notamment en matière de sécurité alimentaire, mais aussi par un soutien financier suffisant. L’Union devrait également en faire davantage en direction du continent africain. « En serons-nous capables ? », s’interrogent les auteurs, rappelant que le budget européen reste en réalité toujours aussi limité (1% du PIB européen) et totalement rigide du fait de son caractère pluriannuel et de l’obligation d’équilibre.

Et les auteurs de conclure : « Confrontée aux conséquences majeures de la guerre en Ukraine, l’Union européenne semble avoir déjà en effet, au-delà des belles paroles, toutes les peines du monde à accroître en pratique sa solidarité interne pour y faire face. Il semble donc peu probable qu’elle soit à l’initiative ou qu’elle participe activement au ‘plan Marshall’ mondial qui serait pourtant indispensable pour limiter les effets négatifs, voire potentiellement catastrophiques dans de nombreux pays et régions du globe, de la guerre contre l’Ukraine. Si ce sombre pronostic devait se vérifier, il est à craindre que le prix géopolitique de notre inaction soit élevé et durable pour l’Europe ».

Un autre article s’interroge sur les perspectives d’un éventuel sursaut de la Politique européenne de sécurité et de défense à la suite du retour de la guerre sur le sol européen. Mais force est de constater que, « pour l’instant, cette guerre a surtout renforcé le camp occidental dans son ensemble : l’OTAN, qui semblait ne plus avoir d’avenir, est redevenue la bouée de secours de pays européens empêtrés dans leur confort et leurs contradictions », écrivent les auteurs, non sans souligner que « le concept de souveraineté stratégique européenne (…) se retrouve ainsi à la croisée des chemins ». « Les déclarations se multiplient en faveur d’une révision des Traités européens pour donner plus de poids à une Europe de la sécurité et de la défense, car force est de constater que l’Union européenne, dans sa configuration actuelle, ne peut seule faire face à un conflit armé en Europe qui se prolongerait de quelques semaines seulement ; elle n’en a simplement pas les moyens malgré un niveau de dépenses substantiel ! », écrivent les auteurs, très critiques à l’égard d’une architecture institutionnelle qui « ne permet toujours pas l’efficacité, mais nourrit au contraire l’immobilisme comme sous-produit du travail en silos ».

« À quand une véritable armée commune au-delà de la création ou du renforcement d’une force d’action rapide de dimension anecdotique ? », interrogent les auteurs, qui rappellent que les citoyens européens aspirent dans leur majorité à une plus grande souveraineté stratégique. Encore faudrait-il pour cela, et c’est moi qui commente, disposer d’une stratégie, et la fameuse « Boussole stratégique » adoptée en mars 2022 n’en est au mieux qu’une pâle amorce, déjà largement obsolète. Engager aujourd’hui le chantier de long terme d’une armée européenne est une idée qui a du mérite pour son effet structurant, mais un tel projet ne peut pas, en tant que tel, apporter les remèdes indispensables pour répondre aux défis de défense et de sécurité sur le court et le moyen terme. L’urgence aujourd’hui est de tirer les leçons de la guerre en Ukraine sur les plans stratégiques et tactiques et d’adapter en conséquence le renseignement (pris en défaut lors du déclenchement de la guerre) et sa coordination, les structures de forces, les capacités et les modes d’acquisition, la résilience et l’autonomie stratégique dans tous les domaines susceptibles d’être affectés par une guerre totale.

La revue contient également un article de Paolo Ponzano, ancien fonctionnaire européen et actuel conseiller spécial du vice-président de la Commission européenne Maroš Šefčovič, qui plaide pour une véritable réforme de l’UE, selon une procédure constituante. L’auteur, qui rappelle qu’un accord à vingt-sept est illusoire du fait des divergences de vues sur les objectifs du processus d’intégration, préconise la création par un nombre plus petit d’États qui le souhaiteraient d’une union fédérale. Pour Paolo Ponzano, celle-ci devrait remplir un ensemble de conditions : (1) la loi fondamentale de cette union fédérale n’aurait la priorité sur les constitutions nationales que dans les domaines d’activité dans lesquelles elle a attribué des compétences (et donc la souveraineté) à l’UE ; (2) les membres du futur gouvernement européen, qu’ils soient choisis par le président unique de la « nouvelle UE » (éventuellement élu directement par les citoyens européens) ou par les gouvernements nationaux, devraient être directement responsables devant le nouveau parlement (composé d’une chambre du peuple et d’une chambre des États) et soumis à un vote de confiance de ce dernier ; (3) si les membres du nouveau gouvernement européen étaient nommés directement par le président unique de la nouvelle union, celui-ci ne devrait pas nécessairement veiller à ce que toutes les nationalités soient « représentées » et pourrait donc potentiellement choisir plus d’un citoyen d’un État membre et aucun citoyen d’un autre ; (4) le nouveau système de répartition des compétences devrait conférer à l’union fédérale une « autonomie stratégique » lui permettant d’exercer ses propres compétences dans les domaines de la politique extérieure et intérieure ; (5) en politique extérieure, l’union fédérale aurait besoin d’une capacité de défense autonome pour crédibiliser ses décisions (…), mais ne pourrait assumer la responsabilité de l’ensemble de sa capacité militaire avant un certain temps, estime Ponzano, qui ne semble pas mesurer la fragilité induite par cet accommodement en faveur de la poursuite par les États membres de ce qu’il qualifie d’« un rôle militaire essentiel » ; (6) en politique intérieure, l’auteur confierait au niveau fédéral la monnaie, l’économie et les finances, la sécurité intérieure (lutte contre le terrorisme et le crime organisé), le marché et la compétitivité (avec le numérique et l’intelligence artificielle) ; (7) doter l’union fédérale d’une capacité fiscale autonome, c’est-à-dire du droit de lever des impôts. On est toujours en droit de rêver ! (Olivier Jehin)

Georges Vlandas (sous la direction de). GRASPE. Cahier n° 45, juillet 2022. Les publications du Groupe de réflexion sur l’avenir du service public européen sont accessibles à l’adresse https://graspe.eu

How Finnish and Swedish Accession to NATO will alter the Geopolitical Landscape in the Baltic

Dans le dernier numéro de la revue In Depth, l’ancien parlementaire Aristos Aristotelous, directeur du Cyprus Centre for Strategic Studies, constate que l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’Alliance atlantique enlève une zone considérable d’espace neutre entre l’OTAN et la Fédération de Russie, avec un front de 1 300 km à la frontière entre la Finlande et la Russie. Plus à l’Ouest, c’est le transit de la flotte russe entre la Baltique et la mer du Nord qui peut être bloqué du fait de l’adhésion de la Suède. « La Russie va devoir prendre en compte ce front nouveau, mais essentiel, ce qui va impacter de plus en plus ses intérêts et son énergie et absorber, du moins dans un avenir proche, des ressources militaires limitées, orientées dans d’autres directions », estime Aristotelous, avant d’ajouter : « Combiné avec l’hémorragie des forces russes en Ukraine, ce fait affecte négativement les capacités militaires conventionnelles du pays, à l’intérieur et en dehors de la Russie ou dans des zones de compétition avec la Turquie ». Et d’expliquer que, dans ces circonstances, la domination et le contrôle du bassin de la mer Noire, recherchés par Moscou, deviennent d’autant plus vitaux pour la Russie, mais aussi pour la Turquie. Les besoins croissants de la flotte russe de transiter par les détroits turcs vers la Méditerranée constituent dès lors un casse-tête de plus en plus grand pour la Turquie, même si l’auteur souligne que la Turquie cherche également a en tirer avantage au travers d’un chantage diplomatique sur ses alliés de l’Alliance atlantique, soit par des discours et des actes destinés à approfondir ses relations avec la Russie, soit au travers d’obstacles, comme ceux utilisés dans le cas de l’adhésion de la Finlande et de la Suède. (OJ)

Aristos Aristotelous. How Finnish and Swedish Accession to NATO will alter the Geopolitical Landscape in the Baltic – Also, its Effect on Turkey and the Cyprus issue. Cyprus Center for European and International Affairs. In Depth. Volume 19. Issue 4, July 2022N° 2022/2. Juin 2022. ISSN : 2421-8111. La lettre électronique peut être téléchargée à l’adresse : http://cceia.unic.ac.cy

Jacobs’ EU Guide Book

« Voici un guide qui diffère des autres. Son thème central (unifying) est l’intégration européenne. Son étendue géographique couvre l’Union européenne et ses États membres et au-delà. Ses adresses (places) vont des institutions aux personnes et du temps présent (contemporary) au passé (historical). L’auteur connaît les institutions de l’intérieur et nous invite à contempler le rôle de certaines personnalités clefs et les lieux qui à la fois les reflètent et les ont formées, nous rappelant ainsi la remarque de Jean Monnet selon laquelle ‘rien n’est possible sans les hommes, mais rien ne dure sans les institutions’ », écrit à juste titre Pat Cox en préface à cet ouvrage rédigé par un ancien fonctionnaire au Parlement européen, Francis B. Jacob. Si le guide a visiblement fourni à l’ancien président du Parlement européen l’occasion de se replonger dans ses souvenirs, il offre aux autres lecteurs au moins autant de choses à découvrir.

Après une introduction historique, notamment marquée par un rappel des nombreux projets, plus fous les uns que les autres (site rural dans un village du nord de l’Alsace en 1949, eurodistrict en Sarre en 1955 ou ville nouvelle baptisée « Lake Europa » près de Schengen en 1963, notamment), qui ont émaillé la quête improbable d’une capitale européenne, Jacob nous offre un condensé de la vie de l’Union à partir des acteurs majeurs qui ont marqué l’histoire de la construction européenne.

Dans la suite, le guide présente pour chaque pays les sièges ou sites d’implantation des institutions et organes de l’Union, avec ce qui les caractérise, ainsi que les adresses, numéros de téléphone et horaires d’ouverture ou de visite. S’y ajoutent les maisons de l’Europe et des structures aussi diverses que les maisons de Robert Schuman à Scy-Chazelles, de Jean Monnet à Houjaray, du comte Coudenhove Kalergi à Pobezovice ou encore la bibliothèque Vaclav Havel à Prague. Jacob a fait le choix d’inclure la Suisse, qui n’est pas membre de l’UE, pour ne pas passer à côté de la Fondation Jean Monnet à Lausanne, des sites reliés à Denis de Rougemont et d’organisations non-UE comme le CERN. On trouve même cinq pages sur le Royaume-Uni, qui l’a quittée, avec les adresses des délégations européennes à Londres et Édimbourg, mais aussi des maisons de Churchill (Chartwell) et d’Edward Heath (Arundells) ainsi que la fondation Hume à Derry, en Irlande du Nord. (OJ)

Francis B. Jacobs. Jacob’s EU Guide Book – The Landmark Sites of European Integration. John Harper Publishing. ISBN : 978-1-8380-8988-7. 248 pages. 20,00 €

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