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Bulletin Quotidien Europe N° 12781

2 septembre 2021
SÉCURITÉ - DÉFENSE / Interview dÉfense
« Il est évident, plus que jamais, que l’UE doit faire plus pour sa défense » estime Matej Tonin
Bruxelles, 01/09/2021 (Agence Europe)

À la veille de la réunion informelle des ministres européens de la Défense, le ministre slovène, Matej Tonin, dont le pays assure la présidence du Conseil de l’UE, a fait le point avec EUROPE, mercredi 1er septembre, sur le programme de la rencontre et sur les efforts de l’armée de son pays pour lutter contre le changement climatique. (propos recueillis par Camille-Cerise Gessant)

Agence Europe - L’Afghanistan sera l’un des sujets de la réunion informelle de ce jeudi. Que doit faire l’Union européenne concernant l’Afghanistan en matière de défense ?

Matej Tonin - Initialement, il n’était pas prévu de parler de l’Afghanistan lors de la réunion informelle sur la défense, mais j’ai dit au bureau du Haut Représentant de l’UE, M. Borrell, que, vu ce qu’il s’est passé, il est évident et clair qu’il faut mettre la question sur la table.

Il est évident, plus que jamais, que l’UE doit faire plus pour sa défense, augmenter ses propres capacités pour être capable d’assurer la sécurité de manière autonome.

Il était absolument clair, dans le cas de l’Afghanistan, que nous étions absolument dépendants des Américains. Lorsqu’ils ont déclaré qu’ils allaient quitter le pays, nous étions en quelque sorte dans un trou noir, certaines nations voulaient rester, mais, évidemment, la grande majorité était pour le retrait ; ceux qui voulaient rester n’avaient pas les capacités appropriées pour être là.

Donc, je pense que la leçon apprise est claire : nous, en tant qu’Union européenne, devrions faire plus, nous pouvons être autonomes quand nous parlons de telles opérations, comme en Afghanistan.

La Slovénie est l’un des 14 États membres qui appliquent le concept de force de première entrée. M. Borrell a déclaré que la situation en Afghanistan a montré la nécessité de disposer d’une telle force. Comment la développer ? Pourquoi est-il si important d’avoir ce type de force de première entrée ?

Pour être en mesure d’avoir un rôle sur la scène mondiale, vous devez agir rapidement. Et le problème de l’Union européenne est que nous avons des procédures et des mécanismes qui ne nous permettent pas d’avancer rapidement.

Je pense que c’est le principal problème que nous pouvons et que nous devons résoudre. Par exemple, vous avez mentionné la force de première entrée de 5 000 hommes, mais, en 2018, il y a eu une autre proposition, appelée 'Initiative d’intervention européenne'. La Belgique, le Danemark, l’Estonie, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne et la Grande-Bretagne voulaient construire une unité spéciale qui puisse intervenir immédiatement, mais tout est resté sur le papier. 

Je pense que l’une des principales discussions, qui va probablement se poursuivre, est que nous devons vraiment trouver une solution pour préparer des mécanismes qui nous permettent d’activer immédiatement un certain nombre d’unités, disons, pour aller partout dans le monde et avoir des missions de maintien de la paix ou d’autres missions importantes, dans l’intérêt de l’Union européenne. Je pense que c’est une chose nécessaire. 

Nous avons donc beaucoup d’idées sur papier, mais rien sur le terrain. Est-ce en raison du fait que les États membres sont réticents à ce sujet ?

Il est certain qu’au sein de l’UE, tout dépend des États membres. J’espère que de plus en plus d’États membres, y compris la Slovénie, verront qu’il est dans notre intérêt de former une telle unité ou un tel mécanisme où nous aurons des forces réelles avec les capacités appropriées et où nous pourrons agir très rapidement. C’est l’objectif principal.

C’est la principale chose qui nous manque et dont nous avons besoin. Parce que, comme vous l’avez dit, jusqu’à présent, certaines propositions, même certains mécanismes comme les groupements tactiques (battle groups), sont tout simplement très inefficaces et non activés.

Je pense donc que l’étape numéro un est de créer un mécanisme efficace avec lequel nous pouvons réagir rapidement et l’étape numéro deux est d’établir et de disposer des capacités appropriées pour pouvoir travailler de manière autonome dans le monde entier.

Un autre sujet qui sera abordé lors de la réunion informelle est la 'boussole stratégique'. Pourquoi ce document est-il si important ?

Nous espérons voir un projet de document stratégique d’ici l’automne. La 'boussole stratégique' est importante, car elle nous permet de disposer d’un document pratique et efficace sur la direction que nous souhaitons prendre dans les années à venir. Jusqu’à présent, nous avons débattu des principes et de nos souhaits, mais le moment est venu de disposer d’un document concret qui nous permette de mener des négociations et des débats et qui permette à la Présidence française du Conseil de l’UE de conclure le processus et de disposer d’un document stratégique qui nous guidera au cours des prochaines années.

Cette 'boussole stratégique' sera-t-elle un document contenant de grands principes ou des actions concrètes ?

La position slovène est qu’il devrait s’agir davantage d’un plan d’action, car il existe d’autres documents qui parlent des principes et qui sont très bons. Je suppose que nous n’avons pas besoin d’un autre document sur les principes, mais plutôt d’un livre d’action, ce qu’il faut faire étape par étape.

La Slovénie est membre de l’UE et de l’OTAN. Comment renforcer la coopération entre ces organisations et comment gérer en même temps l’alliance avec l’OTAN et l’autonomie stratégique de l’UE ?

Lorsque nous parlions de l’autonomie stratégique, les nations de la région baltique craignaient que l’Europe ne quitte ses partenaires de l’autre côté de l’océan Atlantique, mais je ne comprends vraiment pas ce concept d’autonomie stratégique de cette façon. Je le vois comme un moyen pour l’Europe d’être plus forte, plus fiable pour nos alliés de l’autre côté de l’Atlantique.

Ainsi, une coopération, au sein d’institutions telles que l’UE, l’OTAN et les Nations unies, entre des institutions qui partagent les mêmes valeurs, est nécessaire, complémentaire, je ne vois pas cela comme une compétition.

Votre armée utilisera des avions électriques. Pouvez-vous me donner plus d’informations à ce sujet ? La lutte contre le changement climatique, qui est devenue une priorité de l’OTAN, est-elle également importante pour l’armée slovène ?

Le secteur de la défense devrait faire plus. Tout ce qui est nécessaire pour faire fonctionner l’armée, toute l’infrastructure et surtout l’armée de l’air, émet beaucoup de CO2. C’est pourquoi nous voulons développer notre force aérienne et notre défense vers une voie plus verte.

L’introduction d’avions électriques et respectueux de l’environnement dans nos forces aériennes est cruciale, car de nombreuses heures sont consacrées à la formation des pilotes et, pour cela, vous n’avez pas besoin des avions les plus rapides possible, mais d’un avion de base. Et c’est pourquoi nous voyons l’option d’utiliser des avions électriques pour former nos militaires.

J’ai signé un accord spécial avec Pipistrel, une société slovène qui fournit des avions. Nous sommes maintenant dans la phase d’entraînement avant de changer complètement notre flotte d’avions d’entraînement avec des avions électriques. Nos pilotes testent les avions électriques, pour voir s’ils sont adaptés à 100 %, s’ils conviennent pour l’apprentissage, etc...

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