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Bulletin Quotidien Europe N° 13262

3 octobre 2023
Sommaire Publication complète Par article 33 / 33
Kiosque / Kiosque
N° 091

The Impact of the War in Ukraine on the European Defence

Dans son étude sur « l'impact de la guerre en Ukraine sur le marché européen de la défense », le directeur adjoint de l'IRIS, Jean-Pierre Maulny, met en lumière l'augmentation des acquisitions d'équipements militaires hors d'Europe, le plus souvent sur étagère.

Depuis l'invasion de l'Ukraine par les troupes russes, les budgets de défense ont particulièrement augmenté en Autriche, dans les pays baltes, en Finlande, aux Pays-Bas, en Slovaquie, en Slovénie, en Suède et, de façon spectaculaire, en Pologne, où l'augmentation en termes réels atteint +46% entre 2022 et 2023. Au total, les acquisitions d'équipements militaires par les pays européens de 2022 à la fin du premier semestre 2023 avoisinent les 100 milliards d’euros, indique l’auteur. Mais, ces acquisitions se font essentiellement hors de l'UE. Sur 2022-2023, cela correspond même à 78% des engagements des pays de l'UE, avec les États-Unis comme premier bénéficiaire, engrangeant 80% des acquisitions réalisées hors d'Europe.

Au sein de l'UE, autrement dit, pour les 22% restants, c'est l'Allemagne qui se taille la part du lion, avec 50% des achats intra-UE pour un montant global de 11,5 milliards d’euros. Avec 4,7 milliards d’euros, la Suède arrive en deuxième position, loin devant la France, avec seulement 12% des achats pour un montant total de 2,5 milliards d’euros.

La Corée du Sud, avantagée par sa capacité à compenser les lacunes européennes et américaines en termes de livraisons à court et moyen termes, voit sa part du marché européen croître rapidement. Elle atteint désormais 13% du total des acquisitions hors UE. Une progression qui devrait se doubler à l’avenir d’une production intra-UE, avec des chars K2 construits en Pologne à l’horizon 2026. Suivent, loin derrière, le Royaume-Uni et Israël (3% chacun).

La note d’analyse de Jean-Pierre Maulny vient ainsi confirmer que le rebond des dépenses de défense des pays européens se traduit par des acquisitions qui se font dans l’urgence, avec néanmoins un souci d’interopérabilité avec le principal allié au sein de l’OTAN. L’incapacité des industriels européens à assurer des livraisons dans un délai inférieur à deux ou trois ans, voire plus, les disqualifie de fait. Leur refus, jusqu’à aujourd’hui, d’investir dans l’augmentation de leurs capacités de production, déploré en termes diplomatiques par le commissaire Thierry Breton comme le président du comité militaire de l’OTAN, l’amiral néerlandais Rob Bauer, explique en partie l’évaporation, en un an et demi, de près de 78 milliards d’euros, provenant des bourses des contribuables européens, et qui, au lieu de nourrir le développement de la base industrielle et technologique de défense européenne, sont allés engraisser celle des États-Unis et d’autres.

Certes, si les budgets et les acquisitions ont progressé significativement, la pérennité de l'effort de défense reste à confirmer sur le long terme. Cela dépendra de multiples facteurs, explique avec raison le chercheur, en citant notamment l'évolution de la guerre en Ukraine et du sentiment d'urgence qui en découle ainsi que la capacité financière des États et les arbitrages budgétaires qui s'imposeront à l'avenir. Mais en se réfugiant derrière ces incertitudes, les industriels européens perdent l’occasion de se mettre en situation de répondre à la demande, actuelle comme à venir, européenne et internationale. Alors que le secteur, beaucoup trop fragmenté, a besoin de consolidation.

Jean-Pierre Maulny estime que la plupart des instruments européens, à commencer par le Fonds européen de défense, sont inadaptés pour répondre à la situation provoquée par la guerre en Ukraine, parce qu'ils visent essentiellement à développer la coopération, la recherche et le développement. Ils n’ont effectivement pas été conçus pour faciliter les acquisitions, à l’instar de l’EDIRPA (acquisitions communes de munitions), ou pour moderniser les capacités de production, dans le cas du règlement ASAP, que l’auteur semble avoir complètement oublié. Ces nouveaux instruments, de nature temporaire, s’ajoutent dans une boîte à outils encore très incomplète.

Le programme européen d’investissement de défense (EDIP), annoncé avant la fin de l’année, et la stratégie industrielle de défense, que la Commission devrait adopter le 8 novembre prochain, pourraient venir utilement compléter la panoplie. À condition toutefois que tous les acteurs du secteur dans les États membres – directions de l’armement, industriels, militaires – jouent le jeu de la consolidation de la demande et de l’offre. (Olivier Jehin)

Jean-Pierre Maulny. The Impact of the War in Ukraine on the European Defense. Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). Policy paper, septembre 2023. 22 pages. Cette note d’analyse peut être téléchargée gratuitement sur le site de l’institut : https://aeur.eu/f/8to

In Oekraine

Le journaliste de la VRT Rudi Vranckx nous livre une histoire du conflit russo-ukrainien, bien documentée, mais sans originalité, en dépit des témoignages collectés à partir de mars 2022 à Kharkiv, Marioupol, Bakhmout, Boutcha, etc. Mais l’auteur a le mérite de poser plusieurs questions importantes auxquelles l’histoire seule apportera des réponses dans les années qui viennent.

Vranckx consacre ainsi un long chapitre à la rhétorique nucléaire de Vladimir Poutine, aux risques d’escalade ou d’accident nucléaire à la suite d’un bombardement volontaire ou involontaire de la centrale de Zaporijia. Citant l’ancien sénateur américain Sam Nunn, qui s’est attaché à militer pour la réduction du risque nucléaire, en particulier après la crise de Cuba, il rappelle qu’il existe trois conditions fondamentales pour éviter une catastrophe : « Des dirigeants rationnels, des informations précises et l’absence de bévues militaires majeures ». « Aujourd’hui, soixante ans plus tard, c’est justement à ce sujet qu’il y a de grands doutes », s’inquiète l’auteur.

Existe-t-il un espace pour une issue diplomatique ? Pas dans l’immédiat, constate l’auteur, après avoir souligné le nombre de morts de part et d’autre et l’impossibilité pour Poutine de renoncer à des gains territoriaux et pour Zelensky de les concéder à la Russie. D’ailleurs, même si la Russie réussissait à vaincre l’armée ukrainienne, l’esprit de résistance développé au sein de la population risque, selon l’auteur, de rendre son occupation extrêmement difficile, au point qu’elle ne pourrait pas s’y maintenir à moyen ou long terme.

« Depuis Pierre le Grand, la Russie s’élargit d’une Belgique par an », a dit autrefois Henry Kissinger, rappelle Vranckx, en estimant que Poutine est fidèle à cette tradition : « Avec la semi-annexion des provinces d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud en Géorgie en 2008, la Russie a obtenu une demi-Belgique. La conquête de la Crimée en 2014 : quasiment une Belgique. Les nouveaux territoires annexés en Ukraine : trois fois la Belgique (…) Avec l’Ukraine méridionale (en prenant Odessa et en faisant la jonction avec la Transnistrie : Ndr), Poutine aurait préféré y ajouter une cinquième Belgique, mais cet objectif est devenu difficile (à réaliser) après la chute de Kherson ». 

Doit-on craindre une troisième guerre mondiale ? Si on ne peut pas parler de guerre mondiale, compte tenu de la localisation du conflit sur le territoire ukrainien, la guerre que mène la Russie en Ukraine est déjà largement mondialisée. Avec une cinquantaine de pays soutenant activement l’Ukraine, y compris sur le plan militaire, avec une aide atteignant désormais les 100 milliards de dollars. Et de l’autre côté, une Russie qui reçoit l’aide militaire de la Corée du Nord et de l’Iran, en conservant un soutien politique et économique des BRICS. S’il faut attendre de voir comment évolue le conflit avant de déterminer si l’invasion de l’Ukraine en 2022 a constitué le point de départ de la troisième guerre mondiale, on peut encore « espérer qu’en fin de compte, la raison et l’humanité primeront ». Et l’auteur de conclure en citant l’avertissement d’Albert Einstein en 1948 : « Je ne sais pas avec quelles armes la troisième guerre mondiale sera menée, mais la quatrième guerre mondiale sera menée avec des bâtons et des pierres ». (OJ)

Rudi Vranckx. In Oekraine – Dreigt de derde wereldoorlog? Horizon. Overamstel uitgevers bv. SBN : 978-9-4926-2628-8. 287 pages. 22,99 €

What can be Expected after the Elections in Cyprus, Greece and Turkey

Le Centre d’études européennes et internationales de l’université de Nicosie consacre le dernier numéro de sa lettre d’information aux évolutions potentielles en Méditerranée orientale, après les élections à Chypre, en Turquie et en Grèce.

Pour l’ancien fonctionnaire européen Kyriakos Revelas, qui s’appuie notamment sur la rencontre bilatérale des dirigeants grec et turc en marge du sommet de Vilnius et sur la reprise des réunions du Conseil de coopération à haut niveau, il existe désormais une fenêtre d’opportunité permettant de réduire la conflictualité de la relation gréco-turque, avant de rechercher un règlement des différends bilatéraux, voire de développer collectivement une plus grande stabilité.

« Avec l’implication d’autres pays, la région peut devenir un important hub et marché de l’énergie, pour à la fois couvrir les besoins locaux et contribuer à la sécurité énergétique dans l’UE. (…) D’autres [FG1] domaines de coopération notoire comprennent la réduction de la pollution marine, la préservation de la biodiversité et l’atténuation du changement climatique, qui affecte la Méditerranée et les pays riverains plus sévèrement que d’autres parties de la planète », écrit Kyriakos avant de poursuivre : « Un leadership commun de ces efforts réunissant la Turquie, la Grèce et Chypre, ainsi que l’Égypte et Israël, montrerait aux peuples de la région qu’une ère nouvelle s’est ouverte et encouragerait d’autres (sous-)régions à lancer des coopérations ».

« L’UE devrait encourager activement de tels efforts qui non seulement contribueront à la sécurité énergétique, mais aussi à la stabilité et au développement durable dans un voisinage instable et sujet aux conflits », affirme l’auteur, qui ajoute : « Confrontée à un retrait relatif des États-Unis de la région et un intérêt accru d’autres acteurs internationaux, notamment la Russie et la Chine, l’UE devrait s’efforcer de transformer un conflit destructif à ses frontières en une relation constructive, en générant de la confiance parmi les parties au conflit ».

« La feuille de route agréée par les deux ministres des Affaires étrangères, le 5 septembre à Ankara, prévoit des échanges à trois niveaux : le dialogue politique, la mise en œuvre de mesures de confiance et des discussions sur un agenda positif de coopération dans divers domaines. La Turquie se sent exclue du Forum du gaz de la Méditerranée orientale (EMGF) alors que les membres (de ce forum) estiment que la participation turque n’est pas possible tant que le pays n’applique pas le droit international », rappelle l’auteur. Et Kyriakos Revelas de poursuivre : « L’idéal serait que la Turquie devienne partie à la convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS) ; au minimum, l’application de facto de ses dispositions devrait être acceptée (les États-Unis semblent suivre ce modèle). (…) Sous ces conditions, l’EMGF devrait s’élargir pour inclure la Turquie et éventuellement d’autres pays. En outre, le champ d’intervention de l’EMGF pourrait être étendu pour couvrir des formes renouvelables d’énergie ; ou un mécanisme similaire pourrait être mis en place pour l’énergie éolienne ou pour les activités de lutte contre la pollution ; ces éléments pourraient intégrer une architecture régionale évolutive de sécurité coopérative ». (OJ)

Andreas Theophanous (sous la direction de). What can be Expected after the Elections in Cyprus, Greece and Turkey. University of Nicosia. In Depth. Volume 20, issue 3, September 2023. ISSN: 2421-8111. 37 pages. La lettre d’information du Cyprus Centre for European and International Affairs peut être téléchargée gratuitement sur le site : https://aeur.eu/f/8tn

Le financement des PME

La revue trimestrielle de l’association Europe Finances Régulations consacre son dernier numéro au financement des PME, avec une série d’articles qui décrivent comment les changements de politique monétaire et les crises affectent les petites et moyennes entreprises dans leur accès aux financements. Selon Henri Fraisse et Jean-Stéphane Mésonnier, les opérations non conventionnelles, notamment les opérations de refinancement à long terme (VLTRO, TLTRO), auraient globalement permis de soutenir efficacement le financement des PME, « tout au moins les mieux notées ». D’autres articles portent sur les conditions d’accès au crédit bancaire, le financement sur fonds propres ou encore les apports de garanties et financements publics. (OJ)

Sylvain de Forges (sous la direction de). Le financement des PME : actualité et perspectives. Revue d’économie financière. N° 150, 2e trimestre 2023. ISBN : 978-2-3764-7084-7. 336 pages. 35,00

Sommaire

AUDITION DES COMMISSAIRES DÉSIGNÉS AU PARLEMENT EUROPÉEN
Invasion Russe de l'Ukraine
POLITIQUES SECTORIELLES
ÉCONOMIE - FINANCES - ENTREPRISES
INSTITUTIONNEL
SÉCURITÉ - DÉFENSE
SOCIAL - EMPLOI
DROITS FONDAMENTAUX - SOCIÉTÉ
BRÈVES
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