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Bulletin Quotidien Europe N° 12963

2 juin 2022
POLITIQUES SECTORIELLES / Climat/commerce
Dernière ligne droite au Parlement européen avant une série de votes sur le paquet ‘Fit for 55
Bruxelles, 01/06/2022 (Agence Europe)

Les eurodéputés avaient jusqu’au mercredi 1er juin, à 13h, pour déposer leurs amendements relatifs à huit propositions législatives du paquet sur le climat (‘Fit for 55 package’) qui seront soumises aux voix de l’ensemble des membres du Parlement européen la semaine prochaine (mardi et/ou mercredi), lors de la session plénière à Strasbourg.

Il s’agit : - de la révision du système d’échange de quotas d’émission (ETS) de l’Union européenne ; - de la mise en place d’un ‘Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières’ de l’UE (MACF ou CBAM en anglais) ; - de la création d’un ‘Fonds social pour le climat’ (SCF) ; - de la révision de l’ETS pour l’aviation ; - de la révision des normes d’émission de CO2 des voitures et camionnettes neuves ; - de la révision du règlement sur la répartition de l’effort (‘effort sharing regulation’ ou ESR) ; - de la révision du règlement sur l’utilisation des terres, le changement d’affectation des terres et la foresterie (UTCATF ou LULUCF en anglais) ; - de la prise en compte du ‘régime de compensation et de réduction du carbone pour l’aviation internationale’ (CORSIA).

Selon des informations recueillies par EUROPE et des annonces effectuées lors de conférences de presse organisées tout au long de la journée de mercredi, les votes relatifs à la révision de l’ETS, au CBAM et aux normes d’émissions de CO2 des voitures et camionnettes neuves pourraient conduire à des changements significatifs par rapport aux textes adoptés par la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement.

Bataille autour du nombre de quotas dans l’ETS

Les groupes politiques sont notamment divisés sur l’ampleur de la réduction ponctuelle du nombre de quotas d’émission en circulation dans l’ETS actuel ainsi que sur le rehaussement du facteur de réduction linéaire (LRF – pourcentage déterminant la quantité de quotas dont le plafond diminuera chaque année).

Ces facteurs déterminent le niveau d’ambition de l’ETS en termes de réductions des émissions des secteurs couverts par ce marché carbone.

Lors d’une conférence de presse, Pascal Canfin (Renew Europe, français), président de la commission ENVI, a ainsi expliqué que son groupe et le PPE sont convenus d’un amendement visant à procéder en deux étapes en ce qui concerne la réduction ponctuelle du nombre de quotas.

Ces deux groupes souhaitent réduire le nombre de quotas en circulation de 80 millions l’année suivant l’entrée en vigueur de l’amendement (contre environ 117 millions dans la proposition de la Commission européenne) et ensuite de 40 millions en 2026, a précisé Mohammed Chahim (S&D, néerlandais), rapporteur du Parlement pour le CBAM, tout en soulignant que son groupe ne soutient pas cet amendement.

Lors de la session de votes en commission ENVI, les eurodéputés avaient soutenu à une courte majorité (46 pour, 41 contre et une abstention) un amendement de compromis porté par les groupes Renew Europe, S&D, les Verts/ALE et La Gauche prévoyant de supprimer environ 205 millions de quotas (EUROPE 12954/2).

Selon Peter Liese (PPE, allemand), rapporteur du Parlement pour la révision de l’ETS, l’amendement conclu avec Renew Europe conduirait à une baisse des émissions des secteurs actuellement couverts par l’ETS de 63% à l’horizon 2030 par rapport aux niveaux de 2005, soit 2 points de pourcentage de plus que ce que prévoyait la Commission, mais 4 points de pourcentage de moins que la position arrêtée en commission ENVI.

Pour les Verts/ALE, ce niveau d’ambition serait insuffisant pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré.

M. Canfin et M. Liese, pour leur part, ont justifié leur approche au motif que les prix très élevés de l’énergie représentent déjà une charge sur l’industrie et qu’il n’est donc pas nécessaire, à court terme, d’ajouter à cela une hausse du prix du carbone.

« Si l’on supprime un grand nombre de quotas du marché, la vie sera beaucoup plus chère et l’industrie et les citoyens qui utilisent l’électricité subiront un choc au mauvais moment », a estimé M. Liese.

Il souhaite donc une « distribution de l’effort plus uniforme » afin de « donner à l’industrie un répit en cette période difficile ».

S’agissant du LRF, Renew Europe et le PPE souhaiteraient le rehausser à 4,4% à partir de 2024 jusqu’à la fin de 2025 et le fixer à 4,5 % à partir de 2026. L’amendement de compromis adopté en commission ENVI prévoyait quant à lui de le rehausser à 4,2% (contre 2,2% actuellement) et de l’augmenter ensuite automatiquement de 0,1% par an.

De nouvelles compensations pour accompagner le CBAM

La bataille entre les groupes politiques concerne aussi la fin des quotas gratuits, qui doit s'articuler avec l'entrée en vigueur du CBAM. Alors que Mohammed Chahim avait obtenu une majorité pour supprimer les allocations de quotas gratuits d'ici fin 2030 pour les secteurs couverts par le mécanisme d'ajustement carbone (EUROPE 12954/6), il est revenu sur sa position.

Il a déposé, avec le groupe Renew Europe, un amendement reculant la sortie complète des quotas gratuits : la réduction devra démarrer en 2026 (et non plus en 2025) et se terminer en 2032. Le S&D espère ainsi gagner le soutien de quelques membres du PPE.

Pour l'heure, Peter Liese estime qu'il ne peut pas rejoindre ce compromis. D'après lui, il est important de jauger le degré d'acceptation du CBAM par les pays tiers ainsi que son efficacité d'abord, avant de précipiter la sortie des quotas gratuits. « Pour être honnête, je suis optimiste qu'après les trilogues, nous serons en mesure de soutenir le texte, car le Conseil sera plus réaliste sur ce point », a-t-il ajouté.

Quant au groupe des Verts/ALE, il regrette le volte-face opéré par Renew Europe et les sociaux-démocrates (S&D) alors qu'un compromis avait été adopté. Pour eux, les quotas gratuits doivent être complètement supprimés d'ici fin 2030 et non pas plus tard.

Par ailleurs, Renew Europe et les sociaux-démocrates se sont accordés sur un deuxième amendement pour soutenir les entreprises européennes exportatrices, qui pourraient être négativement affectées par le CBAM. Celles d'entre elles qui appartiennent aux 10% les plus performantes en termes d'émissions pourront bénéficier de quotas gratuits pour leurs exportations de produits couverts par le règlement CBAM.

Jusqu'ici, le rapporteur Mohammed Chahim n'avait pas inclus de mesure de rabais à l'exportation, qu'il estimait difficile à justifier devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). « Nous pensons que c'est une solution que nous pouvons offrir, qui nous permet de mettre l'argent là où les exportations sont les plus vertes », a-t-il indiqué à propos du dernier compromis trouvé.

Ces deux amendements répondent en partie aux demandes formulées par l'industrie européenne. 54 dirigeants d'entreprises dans le secteur du fer avaient envoyé une lettre aux députés il y a quelques jours dénonçant une transition vers le CBAM prématurée, qui, selon eux, va porter préjudice à l'industrie européenne du fer.

L'alliance de producteurs européens AEGIS Europe partage cet avis et ajoute que l'absence de soutien à l'exportation pour les entreprises européennes crée un risque sans précédent pour l'emploi, l'investissement et les objectifs du 'Pacte vert européen'.

Normes d’émissions des voitures, vers un recul de l’ambition ?

Pour l’eurodéputé Bas Eickhout (Verts/ALE, néerlandais), le dossier sur lequel il sera le plus difficile pour le Parlement de maintenir un niveau d’ambition au moins égal à celui de la proposition de la Commission est la révision des normes de CO2 pour les voitures et camionnettes neuves.

Les groupes politiques sont en effet particulièrement divisés sur la date de fin de la vente de voitures et camionnettes neuves à moteur thermique, comme l’a démontré la session de votes en commission ENVI (EUROPE 12950/10).

Lors de celle-ci, les eurodéputés avaient rejeté sur le fil (43 voix pour, 44 contre) un amendement de compromis déposé par les groupes PPE et CRE qui prévoyait de fixer l’objectif 0% d’émission de CO2 à 90% des véhicules neufs immatriculés en 2035, contre 100% dans la proposition de la Commission (EUROPE 12762/3).

Questionné sur le choix du PPE de laisser ainsi la liberté à l’industrie automobile de vendre 10% de voitures et camionnettes neuves qui émettent du CO2 après 2035, M. Liese a expliqué que son groupe soutenait une approche technologiquement neutre.

« Nous pensons que ce ne devrait pas être aux politiques de dire comment décarboner (…) Nous voulons garder la voie ouverte à d'autres technologies », a-t-il ajouté, citant les carburants synthétiques. (Damien Genicot et Léa Marchal)

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