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Bulletin Quotidien Europe N° 12501

9 juin 2020
Sommaire Publication complète Par article 37 / 37
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N° 016

Wij zijn Angela

« Nous sommes Angela » vient de paraître alors que la chancelière allemande est au zénith de sa popularité et qu’elle vient de réaffirmer qu’elle entend bien quitter définitivement ses fonctions l’an prochain, après 16 ans au pouvoir, un record rarement égalé en Europe, à l’exception notable d’Helmut Kohl. Hommage de femmes qui, chacune à sa manière, se reconnaissent en Angela Merkel, cet ouvrage navigue entre introspection et projection de soi, anecdotes et politique, histoire et littérature, revendications (féministes), analyse et humour. Il réunit les contributions de onze Néerlandaises, nées entre 1952 et 1991, journalistes pour la plupart, mais aussi une historienne, un écrivain, une activiste sociale ou encore une réalisatrice.

« Vous êtes pour beaucoup de femmes et d’hommes une source d’inspiration ou, à tout le moins, de fascination. Par votre manière de vous mouvoir dans la politique mondiale avec humour, tact, modestie, fermeté, dans vos tenues riches en couleurs et avec une approche consciencieuse. Oui par votre manière de vous mouvoir dans et à travers ces eaux troubles », déclare l’écrivain Manon Uphoff dans une lettre à l’attention de cette femme qui a su affronter un monde de machos, y exister et y survivre. Celui de la politique en Allemagne, où elle permet désormais aux petites filles de se rêver chancelières sans craindre les moqueries. Celui de la politique internationale, où elle s’est trouvée confrontée aux chiens de Poutine, à Berlusconi, qui l’a un jour fait attendre vingt minutes, ou encore à l’arrogance de Trump. Pour ces femmes, Angela est donc une source de fierté. D’abord parce qu’elle est une femme à la tête d’un des pays les plus puissants de la planète et sans laquelle rien ne peut se faire en Europe. Ensuite, parce que, sans l’afficher, elle sert la cause des femmes en promouvant l’égalité des droits et une normalisation effective de la participation des femmes à la vie politique.

Faire de la politique, c’est décider et s’exposer à des critiques auxquelles Angela Merkel n’échappe pas. Son « Wir Schaffen das », qui lui a valu une reconnaissance internationale au moment de la crise migratoire de 2015, s’est ainsi retourné contre elle en politique nationale, avec la montée en puissance de l’AfD et d’un sentiment, même parmi les jeunes, d’être dépossédé de son pays, rappelle la réalisatrice Floor Houwink ten Cate. D’autres lui reprochent de ne pas avoir réussi à réduire le fossé entre l’est (de l’Allemagne) pauvre et l’ouest riche, de ne penser qu’à court terme, sans vision pour l’avenir, d’être « un aspirateur d’idées » qui s’empare au bon moment des propositions de ses adversaires (comme sur l’avortement ou le mariage homosexuel) pour vider leur programme politique de toute substance. « Mais lorsqu’on leur demande quelle est l’alternative (à Merkel : NDLR), tous se taisent. Ils n’ont pas d’idée et tous ont peur », constate la réalisatrice, qui a mené son enquête sur Angela, à Berlin et à Templin, dans le cadre de la préparation d’une pièce baptisée tout simplement Merkel et jouée pour la première fois le 28 mars 2019 au théâtre Kikker à Utrecht.

Les critiques sont nombreuses. Certaines pertinentes. D’autres moins. Mais ce qui revient régulièrement sous la plume des auteurs c’est une admiration pour une chancelière qui se révèle dans les crises. Lors de la crise migratoire de 2015 déjà citée, mais aussi lorsqu’elle rassure les épargnants allemands avec une garantie de l’État en pleine crise bancaire en 2008 ou encore lorsque, à la suite de la catastrophe de Fukushima, elle décide de mettre un terme au nucléaire. Et cette liste mériterait sans doute aujourd’hui d’être complétée avec la proposition de plan européen de relance économique après la crise pandémique (dans les versions successives franco-allemande et Commission européenne) et même, dans une certaine mesure, avec le soutien au secteur automobile allemand, exclusivement orienté vers les véhicules électriques.

Mais qui est vraiment Angela ? Sans omettre la soupe de pommes de terre et la tarte aux prunes, les auteurs exploitent toutes les recettes et ressources (mode, style, habitudes, psychologie) et même les souvenirs personnels de fille de pasteur, dans le cas d’Els Kloek, pour tenter, en vain, de répondre à cette question. Le portrait tissé au fil des pages insiste sur les goûts simples et la modestie d’une femme qui ne prétend rester dans l’histoire que comme celle qui « a fait de son mieux », mais Angela reste un mystère.

(Olivier Jehin)

 

Marcia Luyten et autres. Wij zijn Angela. Éditions Pluim. ISBN : 978-94-92928-93-1. 176 pages. 19,99 € 

 

Une monnaie écologique

« Toutes les estimations convergent pour dire qu’aujourd’hui, le financement de la transition écologique requiert des sommes importantes, de l’ordre de plusieurs milliers de milliards d’euros par an dans le monde, dont une partie peut provenir de la réallocation de financements existants, mais dont une autre partie, de l’ordre de grandeur pour l’Union européenne d’au moins 300 milliards par an, devra nécessairement être créée », expliquent les auteurs de cet ouvrage en ajoutant : « En outre, nous avons non seulement besoin de financer et de rentabiliser des activités qui ne seront pas immédiatement rentables du point de vue financier, mais aussi de financer des activités hors marché, comme la préservation de la biodiversité et la restauration des écosystèmes, et cela dans un souci ultime de sauvegarde de l’habitabilité de notre planète ».

Alain Greanjean est polytechnicien, membre du Haut Conseil pour le climat et président de la Fondation Nicolas Hulot. Nicolas Dufrêne est directeur de l’Institut Rousseau, un centre de réflexion de gauche installé à Toulouse. Ils cosignent cet ouvrage qui affirme qu’il existe bien une « magie monétaire » qui peut permettre le financement et la réalisation de la transition écologique et sociale. « Pour cela, il faut un regard nouveau sur les mécanismes économiques et monétaires, comme sur les outils et la conduite de la politique monétaire. Et commencer par reconnaître que nos conceptions de la monnaie, de la dette et du taux d’intérêt sont la plupart du temps erronées ou délibérément trompeuses », écrivent-ils avant d’appeler à réformer le budget, la monnaie et la manière de commercer à l’échelle internationale.

En tirant exemples de la reconstruction économique de l’Allemagne dans les années 1930, du New Deal américain, de la reconstruction de la France après 1945 et de la politique monétaire de la Chine, les auteurs soulignent l’importance de la création monétaire pour la relance économique et la transformation des industries. Alain Grandjean et Nicolas Dufrêne n’en constatent pas moins que les injections massives de liquidités depuis la crise financière ont essentiellement nourri la financiarisation de l’économie, la spéculation sur les marchés financiers et le marché immobilier. Quant aux États, leur capacité d’investissement est grevée par la montagne de dettes accumulées depuis un demi-siècle. Le total des dettes dans le monde était, avant la pandémie actuelle, déjà supérieur à 225% du PIB mondial, selon le FMI. Selon eux, il faut dès lors libérer la création monétaire et l’orienter vers la modernisation des infrastructures, les énergies renouvelables, les technologies et les productions durables et compatibles avec la préservation de l’écosystème.

Les auteurs sont dès lors très critiques à l’égard de l’indépendance de la Banque centrale européenne et du dogme de la neutralité monétaire. Ils rappellent que, lors de son audition de septembre 2019 devant la commission monétaire du Parlement européen, Christine Lagarde avait admis que la BCE devait progressivement « verdir » son bilan et se débarrasser des actifs polluants, mais ils déplorent qu’elle n’ait pas explicitement remis en cause le principe de neutralité monétaire. Et d’expliquer : « Une des grandes difficultés viendra du choix, à l’avenir, des actifs qui seront dignes d’être éligibles ou non : au-delà de la taxonomie en cours d’élaboration au niveau de l’UE, il faudra trancher des questions difficiles comme le fait de savoir si le nucléaire doit faire partie des actifs éligibles du fait qu’il permet de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Il faudra choisir, et choisir c’est faire de la politique, ce que la BCE ne peut pas faire seule, sans légitimité populaire. C’est pourquoi nous avons besoin d’une nouvelle politique monétaire et d’un nouveau policy-mix qui associe différemment politique budgétaire et politique monétaire ainsi que d’une gouvernance qui redonne au peuple et à ses représentants leur souveraineté en matière monétaire, puisque celle-ci constitue une dimension essentielle de la vie sociale et économique ».

Outre l’abandon du principe de neutralité déjà cité, les auteurs proposent notamment de : - procéder à des annulations, ciblées et équitablement réparties, de dettes publiques détenues par la BCE, en contrepartie d’investissements verts ; - réformer la doctrine des banques publiques d’investissement pour leur permettre de s’endetter pour investir dans la transition écologique ; - réviser les articles 123 et 130 du TFUE pour (1) permettre à la BCE de soutenir massivement la BEI et les banques publiques d’investissement en leur octroyant des liquidités à taux nul et à longue maturité et (2) repenser l’indépendance des banques centrales pour tout ou partie de leurs missions. (OJ)

 

Alain Grandjean, Nicolas Dufrêne. Une monnaie écologique – Pour sauver la planète. ISBN : 978-2-7381-5222-0. 285 pages. 22,90 €

 

Politique commerciale de l’Union européenne

Philippe Musquar, qui travaille au service juridique du Parlement européen, nous offre avec ce manuel un panorama complet de la politique commerciale de l’Union européenne en en retraçant l’histoire et en passant en revue ses objectifs, sa base juridique, ses acteurs et ses processus décisionnels.

L’auteur rappelle que l’UE était encore en 2018 la première puissance commerciale du monde pour le commerce de marchandises, avec un total d'importations + exportations de 3 396,5 milliards d’euros, soit 15,1% du commerce mondial. Un rang qu’elle est appelée à perdre avec le départ en 2020 du Royaume-Uni, même s’il n’est pas possible d’estimer aujourd’hui l’impact de la pandémie du coronavirus sur ce classement.

Philippe Musquar évoque aussi la crise profonde que traverse l’OMC (échec du cycle de Doha, confrontation sino-américaine, attitude de l’administration Trump et paralysie de l’Organe d’appel de l’OMC pour le règlement des différends) alors que de nombreux candidats potentiels au remplacement de son directeur général sont désormais sur la ligne de départ. Pour mémoire, le Brésilien Roberto Azevedo, arrivé en 2013, entend quitter ses fonctions fin août et les membres de l’organisation peuvent présenter leurs candidats du 8 juin au 8 juillet. Outre le commissaire européen au Commerce, l’Irlandais Phil Hogan, qui signe la préface de ce manuel, sont cités la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, la ministre néerlandaise du Commerce, Sigrid Kaag, et quatre Africains : le Béninois Éloi Laourou, le Nigérian Yonov Frederik Agah, actuel directeur général adjoint, le Suisso-Égyptien Hamid Mamdouh et la Kenyane Amina Mohamed, déjà candidate en 2012.

L’ouvrage s’achève sur une liste de défis auxquels l’Union européenne devait déjà faire face avant l’éclatement d’une pandémie dont de nombreux observateurs prédisent qu’elle entraînera davantage de protectionnisme et une remise en cause de la mondialisation. Parmi ces défis, l’auteur cite notamment la montée en puissance de la lutte contre le changement climatique et d’enjeux comme les droits de l’homme, les normes fondamentales du travail et la sécurité alimentaire. La politique commerciale doit aussi s’adapter aux défis inédits générés par le progrès technologique et liés aux questions de commerce électronique, d’échange, de stockage et de traitement des données, d’application des biotechnologies et de développement de l’intelligence artificielle. S’y ajoute l’environnement géopolitique particulièrement instable marqué par la rivalité entre les États-Unis et la Chine, la crise du système commercial multilatéral déjà évoquée, les réticences de l’opinion publique aux accords de libre-échange. Enfin, souligne Philippe Musquar, l’Union européenne ne dispose toujours pas de tous les instruments autonomes qui lui permettraient d’imposer le respect des engagements souscrits par ses partenaires dans un cadre multilatéral ou dans un cadre bilatéral et de défendre ses intérêts commerciaux en toutes circonstances. (OJ)

 

Philippe Musquar. Politique commerciale de l’Union européenne. Manuels Larcier. ISBN : 978-2-8079-1922-8. 180 pages. 45,00 €

 

Coopération opérationnelle en droit pénal de l’Union européenne

Cet ouvrage collectif réunit de nombreuses contributions sous la direction de Carole Billet et Araceli Turmo, maîtres de conférences à l’Université de Nantes. Il analyse les progrès réalisés dans la coopération opérationnelle en droit pénal et propose une réflexion sur la création du Parquet européen et l’évolution rapide du cadre juridique relatif aux échanges d’information.

« L’Union européenne offre une boîte à outils en matière de coopération opérationnelle qui s’est considérablement développée au fil du temps », constate Anne Weyembergh (Institut d’Études européennes de l’Université libre de Bruxelles), qui souligne qu’il n’en reste pas moins encore beaucoup à faire en termes de formation des praticiens à la coopération et à la maîtrise de ces outils, y compris à la formation linguistique, qui demeure « une barrière majeure à l’opérationnalisation des mécanismes mis sur pied dans les textes ».

« L’espace de liberté, de sécurité et de justice est caractérisé par la fragmentation », souligne Stefan Braum (Université de Luxembourg), qui ajoute : « Plusieurs couches, qui se chevauchent verticalement et horizontalement, deviennent visibles et offrent aux autorités chargées des enquêtes un instrument flexible pour l’échange de données et d’informations, les enquêtes transfrontalières et, surtout, la collecte et l’exploitation de preuves ». Il en résulte un réseau d’enquêtes : Eurojust interagit avec les autorités judiciaires nationales ; Europol soutient les enquêtes de police et les poursuites nationales ; l’OLAF coopère avec les autorités financières et les parquets nationaux. Des équipes communes d’enquêtes peuvent être constituées, mais doivent respecter les règles de l’État membre dans lequel elles opèrent. L’interception transfrontalière des télécommunications est possible après accord de l’État membre d’exécution. « Le projet de règlement sur la preuve électronique ajoute l’accélération, la privatisation et le pouvoir discrétionnaire unilatéral à cette informalisation en tant que caractéristique de la procédure pénale européenne », estime Stefan Braum, qui voit dans cette addition de couches de réglementations une « dissolution de la souveraineté en fragmentation (qui) entraîne également la dissolution du contrôle démocratique sur les acteurs du système de justice pénale ».

L’absence d’une démarche globale et cohérente, soulevée par plusieurs auteurs dans cet ouvrage, ne permet pas, en l’état actuel, d’assurer les garanties nécessaires à la protection des droits fondamentaux. Comme le souligne Anne Weyembergh, « des déséquilibres sont à corriger entre le policier et le judiciaire (…), mais aussi entre l’accusation et la défense ». (OJ)

 

Carole Billet et Araceli Turmo (sous la direction de). Coopération opérationnelle en droit pénal de l’Union européenne. Buylant. 232 pages. ISBN : 978-2-8027-6475-5. 65,00 €

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