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Bulletin Quotidien Europe N° 13044

18 octobre 2022
Sommaire Publication complète Par article 33 / 33
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N° 069

Het had waar kunnen zijn

Cela aurait pu être vrai. Sous ce titre, le journaliste de la VRT Tim Verheyden nous livre un essai sur la désinformation et les fake news, qui circulent six fois plus vite que les informations factuelles bien documentées. Verheyden ne se contente pas d’identifier les sources et les modalités de diffusion de cette intoxication. Il en analyse les conséquences sur les personnes, qui en sont les victimes, leur entourage et la société, traversée par de nouvelles lignes de fracture.

Si les fake news peuvent avoir diverses origines, de l’envie de tester la crédulité de ses contemporains à celle de gagner facilement de l’argent en inventant des fables impliquant des personnalités (Verheyden évoque un reportage qui l’a conduit en Macédoine du Nord), l’auteur souligne que la désinformation est aussi une arme politique, utilisée notamment par la Russie lors des élections américaines de 2016. Quatre ans plus tard, c’est un coronavirus, qui se mue en quelque sorte en « virus de la désinformation », au cœur d’un foisonnement de théories complotistes, avant que la guerre de la Russie contre l’Ukraine ne prenne le relais.

« Trois années de Donald Trump. Trois années de faits alternatifs. Début 2020, la réalité vacillait. Certains faits ne faisaient plus consensus. La société était déjà polarisée, les extrêmes étaient joués l’un contre l’autre, lorsque soudain apparut en outre une pandémie avec un virus inconnu. Pendant que le nombre d’infections augmentait de façon exponentielle, la pensée complotiste croissait également de façon exponentielle. Un feu brûlait déjà et le coronavirus était un accélérateur de feu », écrit Verheyden, avant d’ajouter : « Dans le passé, la pensée complotiste était plutôt inoffensive pour notre société : il fallait vraiment faire de son mieux pour trouver des théories du complot. Aujourd'hui, la nouvelle pensée complotiste mine notre démocratie. La légitimité du gouvernement, de la science et des médias est remise en question. C'est dangereux ».

Au fil des pages, l’auteur relève l’absurdité de certaines de ces théories, mais souligne aussi les rapprochements opérés entre les extrêmes qui surfent sur les vagues de désinformation et les théories complotistes et captent les insatisfaits. Après avoir évoqué les divisions intrafamiliales, il observe que personne n’est immunisé contre la désinformation et qu’il devient très difficile pour chacun d’entre nous de trier le vrai et le faux.

« Les réseaux sociaux jouent un grand rôle dans la diffusion de la désinformation, mais la solution de ce problème complexe ne peut pas être exclusivement technologique ou législative. Il est bon que l’Union européenne prenne la tête des luttes contre les discours de haine et la puissance des ‘Big tech’, mais les lois sur les services numériques et sur les marchés numériques ne parviendront pas à assécher le flux sans fin de désinformation et de mensonges », estime Tim Verheyden, qui estime qu’il est essentiel de rétablir la confiance. Et l’auteur d’ajouter : « Créer la confiance n’est pas simple. Cela demande beaucoup de travail, surtout quand les gens ont perdu confiance. Tant de personnes se sentent ignorées et exclues. La seule façon pour le gouvernement et la presse de rétablir cette confiance brisée est de montrer aux personnes désabusées qu'elles sont entendues. Vraiment entendues ». (Olivier Jehin)

Tim Verheyden. Het had kunnen waar zijn – Op zoek naar de impact van desinformatie en fake news. Pelckmans. ISBN : 978-9-4640-1609-3. 272 pages. 22,50 €

Quelle évolution pour le système monétaire international ?

Dans cet article paru dans la Revue d’économie financière, Patrick Artus et Isabelle Gravet interrogent les perspectives d’évolution d’un système monétaire international (SMI) qui repose depuis les années 1970 sur la dominance du dollar.

Les auteurs rappellent que « la zone euro et les pays émergents (hors Chine et hors exportateurs de pétrole) financent aujourd’hui les États-Unis » et que « cette configuration est très défavorable à ces deux régions, dont l’épargne est prêtée aux États-Unis au lieu de financer leurs investissements et leur croissance ». « Il est illogique que les flux de capitaux internationaux aillent vers le pays le plus riche, les États-Unis », ajoutent Artus et Gravet.

Y a-t-il un substitut crédible au dollar ? « L’euro est pénalisé, tant qu’il n’y a pas un montant important d’Eurobonds, par la segmentation du marché des dettes souveraines, avec de nombreux États émetteurs, de ratings différents », observent les auteurs, qui notent aussi que « le RMB chinois est pénalisé par les contrôles des capitaux en Chine, par le fait que la Chine a des excédents extérieurs et, donc, pas de dette extérieure, par l’inquiétude sur l’évolution politique en Chine ». Conclusion : « On ne voit donc pas aujourd’hui de substitut crédible au dollar comme monnaie de réserve dominante ». Les deux économistes estiment toutefois que « le financement extérieur des États-Unis va (…) devenir plus difficile, d’où probablement une dépréciation du dollar, avec la forte hausse de l’endettement extérieur des États-Unis, la volonté de l’Europe de conserver son épargne pour investir (par exemple, avec le Plan de relance de l’Union européenne), avec la volonté des pays émergents de limiter les sorties de capitaux, avec la logique qui voudrait que les flux de capitaux aillent des pays riches vers les pays pauvres ». Artus et Gravet considèrent en outre que « le SMI va continuer à devenir davantage ‘privé’ avec un rôle accru des flux de capitaux en actions et, donc, de l’attractivité des entreprises, par rapport aux flux de capitaux en dettes publiques ».

Dans un autre article consacré aux réserves de change, Camille Macaire, Alain Naef et Pierre-François Weber soulignent que le gel des avoirs de la Banque centrale de la Fédération de Russie, en réponse à l’invasion de l’Ukraine, constitue une sanction sans précédent comparable, du fait de son ampleur et de la taille de la Banque centrale sanctionnée. « La Russie a vu presque 64% de ses réserves gelées d’un jour à l’autre. Les actifs n’ayant pas été gelés sont les réserves détenues en Chine (14%) du total, l’or (détenu à Moscou, 22% du total) et les droits de tirages spéciaux (DTS) du FMI (Fonds monétaire international, 4% du total). Mais dans les faits, les deux dernières catégories sont inutilisables. La Russie ne peut plus accéder aux marchés de l’or de Londres et de Paris, qui couvrent 84% des échanges du marché de l’or. Sans accès à la liquidité, ces actifs ne sont pas mobilisables. Quant aux DTS, il faut pouvoir les échanger contre des devises, ce qui nécessite de pouvoir les échanger avec une autre banque centrale volontaire pour cela. (…) Les sanctions ont donc effectivement bloqué presque 86% des réserves russes », constatent les auteurs, qui travaillent tous les trois à la Banque de France.

Les auteurs rappellent que seules deux configurations sont susceptibles d’assurer la stabilité du système monétaire international : une monnaie dominante ou la coexistence de nombreuses monnaies de réserve. Ils montrent que, « par manque de réelle alternative, une diversification radicale au détriment de l’USD (le dollar américain) (et de l’euro) avec un remplacement par une nouvelle monnaie dominante n’est pas envisageable à moyen et long termes ». Selon eux, « l’hypothèse centrale est celle d’une migration vers un système plus multipolaire, un mouvement déjà enclenché, mais qui devrait s’accélérer à la suite des sanctions contre la Russie ».

« La divergence progressive des zones monétaires en pôles régionaux pourrait par ailleurs être soutenue par une autre rupture, technologique cette fois : le développement de monnaies numériques de banque centrales (MNBC). En refondant les infrastructures financières, cette innovation pourrait remettre en question le statu quo et être porteuse d’opportunités pour les pays engagés dans cette voie. En effet, l’efficacité des réseaux de MNBC dépendra en partie de la capacité des différents réseaux nationaux à être connectés et à permettre des transactions internationales (principe d’interopérabilité des réseaux) », expliquent les auteurs. Et de poursuivre : « Les initiatives de MNBC se sont multipliées au cours des dernières années. En 2020, les Bahamas ont lancé le Sand Dollar. La monnaie reste cependant trop petite pour avoir une influence sur le SMI. La Banque centrale du Nigeria a notamment lancé le eNaria en octobre 2021, mais son utilisation reste limitée. La Chine a également développé une MNBC. Dès la fin de 2019, le pays était doté d’une MNBC opérationnelle, lancée et testée par le biais de programmes pilotes. En octobre 2021, l’e-CNY comptait plus de 260 millions d’utilisateurs. Il s’agit de l’expérimentation de MNBC la plus importante à ce jour. Ces développements dans le domaine des MNBC pourraient aussi fragmenter le SMI ». (OJ)

Patrick Artus, Isabelle Gravet. Quelle évolution pour le système monétaire international ? Revue d’économie financière. N° 145, 1er trimestre 2022. ISBN : 978-2-3764-7063-2. 288 pages. 32,00 €

L’accès aux droits de la personne et de la famille en Europe

Cet ouvrage collectif envisage les questions de droit familial international nées de la mobilité, sous l’angle de l’accès aux droits. Les contributions qu’il rassemble abordent des questions liées au statut de l’enfant, aux relations entre parents et enfants ainsi qu’aux relations de couple.

Maria Caterina Baruffi (Université de Bergamo) examine la décision de la Cour de cassation italienne du 8 mai 2019, qui conclut que l’interdiction de la maternité de substitution constitue un principe d’ordre public visant à protéger des valeurs fondamentales, telles que la dignité humaine de la mère porteuse. Elle rappelle que, dans un avis rendu en avril 2019 à la demande de la Cour de cassation française, la Cour européenne des droits de l’Homme a reconnu à chaque État le pouvoir discrétionnaire de déterminer les modalités selon lesquelles il garantit la reconnaissance de la relation parent-enfant. Il en résulte une grande variété de situations sur fond d’un droit encore instable. La Cour de cassation française a ainsi accepté la transcription au registre d’état civil français des filiations établies par un certificat de naissance provenant d’un autre pays. Elle a même accepté, le 18 décembre 2019, d’étendre cette reconnaissance à un couple d’hommes. Toutefois, la loi française relative à la bioéthique, adoptée le 2 août 2021, est plus restrictive. Elle dispose que l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA (gestation pour autrui) réalisée à l’étranger ne peut être transcrit que pour établir le lien de filiation à l’égard du parent biologique. En l’absence d’harmonisation du droit européen en la matière, Baruffi juge intéressante l’approche britannique qui vise à établir une reconnaissance sur une base bilatérale.

Cinzia Peraro (Université de Bergamo) consacre un article à la reconnaissance par l’Italie du placement d’un mineur sous kafala, conformément à un arrêt de la Grande chambre de la Cour de Justice, qui a estimé qu’un mineur accueilli dans ce cadre n’est pas un descendant direct, mais se voit accorder le statut d’autre membre de la famille dans le cadre de la directive de 2004 sur la libre circulation. Cette institution islamique est également reconnue selon les règles de la tutelle en vigueur en Belgique et en France.

Carmen Ruiz Sutil (Université de Grenade) analyse les avancées du droit européen en ce qui concerne la protection des femmes victimes de violences conjugales, en examinant en particulier le sort de femmes étrangères ressortissantes d’États tiers et dont la situation migratoire est précaire. « Pour l’instant, la question du séjour de la victime de violence à caractère sexiste en situation irrégulière ne relève d’aucune des catégories spéciales que l’Union européenne a réglementées pour les ressortissants de pays tiers qui souhaitent résider et travailler dans un autre État membre, comme c’est le cas pour les travailleurs hautement qualifiés ou les chercheurs », note l’auteur, qui ajoute : « L’absence de statut de résident, au niveau européen, pour la victime de violence fondée sur le sexe n’est pas une question anodine, dans la mesure où celui-ci pourrait servir d’instrument d’harmonisation de leur protection globale, tout en permettant de parvenir petit à petit à un niveau d’égalité avec le dispositif de protection prévu pour les ressortissantes nationales, et contribuer de la sorte à une intégration réussie dans le pays d’accueil ». Selon l’auteur, « on a raté l’occasion de mettre en œuvre la Convention d’Istanbul dans le cadre de la refonte du règlement Bruxelles IIbis », qui a abouti au règlement UE 2019/1111 du 25 juin 2019 et qui ne contient que trois allusions, vagues ou indirectes, aux violences à l’égard des femmes.

L’ouvrage traite également des pensions alimentaires et de leur recouvrement transfrontalier, ou encore des régimes matrimoniaux et des successions. Il est complété par une présentation de la Plateforme européenne pour l’accès aux droits de la personne et de la famille en Europe (http://www.epapfr.com ), dont l’objectif est de mettre en réseau les ressources permettant d’apporter une réponse aux questions de droit familial intéressant les personnes en mobilité. (OJ)

Patrick Wautelet et Cécile Corso (sous la direction de). L’accès aux droits de la personne et de la famille en Europe. Bruylant. ISBN : 978-2-8027-7128-9. 336 pages. 75,00 €

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