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Bulletin Quotidien Europe N° 13406

8 mai 2024
Kiosque(ciné) / Kiosque(ciné)
N° 002

UNE AFFAIRE DE PRINCIPE

d’Antoine Raimbault – Sortie le 8 mai 2024 en Belgique

Le second film d’Antoine Rimbault (après Une Intime Conviction en 2018, dans lequel Olivier Gourmet incarnait l’avocat Éric Dupont-Moretti) est une adaptation de Hold Up à Bruxelles : Les Lobbies au Cœur de l’Europe (2014), ouvrage coécrit par José Bové et Gilles Luneau retraçant les événements ayant fait éclater l’un des plus importants scandales qu’aient connu les institutions européennes : un complot ourdi pour faire disparaître une directive antitabac que John Dalli, le commissaire à la santé de l’époque, était en train de mettre en œuvre avant d’être accusé de corruption, puis limogé, en 2012, pour ses liens présumés avec l’industrie du tabac, après une enquête bâclée de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF).

Persuadé de son innocence, le député européen d’Europe Écologie José Bové (Bouli Lanners) décide de mener sa propre enquête avec quelques fidèles assistants parlementaires, menaçant ainsi de déstabiliser les instances européennes et notamment José Barroso, alors président de la Commission européenne. C’est cette enquête complexe que relate le film, mais aussi les sacrifices et efforts de l’équipe pour obtenir l’ouverture d’une enquête parlementaire dédiée au scandale.

Décrit comme un classique enquiquineur de cinéma, celui qui met son nez là où on lui interdit de le mettre, Bové, grande figure du mouvement altermondialiste, connu pour ses prises de position contre les pesticides, les OGM, les multinationales et la mondialisation, nous est présenté comme le contraire d’un carriériste : alors que certains parlementaires n’agissent que pour monter les échelons ou conserver leur poste, il semble uniquement intéressé par la vérité, même lorsque son combat, souvent frustrant, n’aboutit à rien.

Partageant les convictions (écologistes, humanistes) de l’homme qu’il incarne à l’écran, Bouli Lanners, césarisé en 2023 pour La Nuit du 12, campe un Bové truculent, le sourire en coin, l’œil malicieux et la pipe constamment au bec, dont la bonhomie et le sens de la provocation empêchent parfois ses interlocuteurs de le prendre au sérieux. La (relative) réussite du film s’appuie en grande partie sur les rapports entre les membres de la « Team Bové », en particulier Clémence (Céleste Brunnquell), une « rookie » idéaliste dont la fonction à l’écran est de faciliter l’identification du spectateur en lui expliquant le fonctionnement des institutions - la masse d’informations à digérer s’avérant en effet par moments indigeste. Quant à Barroso, le toujours suave Joaquim De Almeida lui confère une aura menaçante, tel un ennemi de l’agent 007, lors de brèves, mais intenses apparitions.

Une Affaire de Principe s’avère malheureusement loin d’être totalement abouti, frustrant par sa trop courte durée – 1h35 – l’empêchant d’approfondir certaines thématiques et de prétendre atteindre le niveau des grands brûlots politiques à la Costa-Gavras, à la Oliver Stone... D’une facture trop moderne, singeant maladroitement les codes du suspense à l’américaine (musique omniprésente, rythme trop frénétique, narration parfois brouillonne), le film aurait certainement mieux fonctionné en tant que « simple » drame politique qu’en tant que thriller.

S’il ne risque donc pas de révolutionner le genre, le métrage fascine néanmoins par son cadre : Bové et son équipe arpentent les couloirs interminables du Parlement européen (à Strasbourg) et de la Commission européenne (à Bruxelles), nous donnant un aperçu de leur fonctionnement interne, notamment avec ces réunions interminables qui témoignent de la lenteur du processus, mais aussi du cynisme et de la lassitude de certains eurodéputés.

Raimbault dépeint avec ironie le grand cirque des institutions européennes, utilisant la métaphore des portes d’hôtel qui tournent : « Tu travailles au sein des institutions au profit de l’intérêt général, tu te fais draguer par les lobbies, et à la fin, tu passes de l’autre côté. Bienvenue à Bruxelles ! » Sa mise en scène insiste sur le côté tentaculaire, presque labyrinthique de ces décors désincarnés, d’une froideur clinique, qui contrastent avec la modestie du sympathique et chaleureux « homme du peuple » qu’incarne Bové dans l’inconscient collectif.

Pessimiste lorsqu’il évoque l’ampleur et les ramifications de la corruption, de ce système où les conflits d’intérêts sont monnaie courante, le cinéaste évite le piège du « Tous pourris ! », se concentrant sur un groupe d’hommes et de femmes engagés, discrètement héroïques, s’acharnant à nous montrer que l’intérêt général y gagnera toujours si le bon fonctionnement des institutions, certes difficile et ô combien fragile, est assuré. Le film se conclut donc par une phrase d’espoir, credo d’un groupe d’hommes et de femmes intègres, prêts à risquer leur carrière pour que justice soit rendue : « Le problème, ce n’est pas les institutions, c’est ceux qui les font ». (Grégory Cavinato)

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