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Bulletin Quotidien Europe N° 13291

14 novembre 2023
ACTION EXTÉRIEURE / Interview biÉlorussie
Il faut faire germer dans les esprits les graines d'une Biélorussie membre de la famille européenne, estime Svetlana Tikhanovskaïa
Bruxelles/Málaga, 13/11/2023 (Agence Europe)

La chef de l'opposition politique biélorusse en exil, Svetlana Tikhanovskaïa, a déclaré que le projet européen ne sera jamais achevé tant que l'Ukraine, la Moldavie et son pays n'auront pas rejoint la famille européenne, samedi 11 novembre à Málaga, lors du congrès du 'Parti socialiste européen' (PSE). À la veille de la Journée internationale de solidarité avec la Biélorussie, elle expose à EUROPE ce que l'Union européenne peut faire pour soutenir davantage les forces démocratiques biélorusses. À Málaga, les deux partis sociaux-démocrates en exil Hramada et Narodnaya Hramada - auxquels Mme Tikhanovskaïa n'adhère pas - sont devenus membres du PSE. (propos recueillis pas Mathieu Bion)

Agence Europe - Des élections législatives auront lieu l'année prochaine en Biélorussie. Que peut faire l'Union européenne pour soutenir les forces démocratiques dans votre pays ?

Svetlana Tikhanovskaïa - Ce qui se passe en Biélorussie ne peut pas être qualifié d'élection parlementaire. C'est une farce, c'est factice, car le paysage politique biélorusse est vide. Des prisonniers politiques et des citoyens sont détenus. Tous les partis politiques, à l'exception de ceux de Loukachenko, sont en ruine. C'est un désert politique.

J'attends de nos alliés européens qu'ils ne reconnaissent pas une imitation d'élections parlementaires dans notre pays. Le Parlement de Loukachenko n'est pas élu par le peuple. Il lève la main quand on lui dit de le faire.

Pensez-vous encore que les gens iront quand même voter ?

Il n'y a pas d'intérêt en Biélorussie pour cet événement. En tant que forces démocratiques, nous représentons le peuple. Après les élections de 2020, Loukachenko a perdu sa légitimité. Nous construisons des institutions démocratiques en exil. Et nous voulons profiter de cette occasion pour organiser des élections au sein de notre Conseil de coordination.

Les sanctions de l'UE contre le régime de Loukachenko sont-elles efficaces ? L'UE peut-elle faire davantage ?

Les sanctions ne sont pas une solution miracle. Mais c'est un outil efficace pour priver le régime de ressources et faire pression sur lui.

Les sanctions actuelles de l'UE présentent toutefois de nombreuses lacunes qui les rendent moins efficaces. Le régime de Loukachenko utilise d'autres pays, comme la Russie, pour contourner les sanctions. Et il n'existe pas de mécanisme d'application des sanctions.

Tout le monde dans l'UE voit que les importations vers la Biélorussie ont augmenté de façon considérable. Cela signifie qu'ils achètent plus pour livrer à la Russie. La Russie exporte des marchandises vers la Biélorussie parce que les sanctions à l'encontre de la Russie portent principalement sur les importations et celles à l'encontre de la Biélorussie sur les exportations. Ils coopèrent donc facilement pour contourner les sanctions.

Et nous avons besoin de plus de sanctions parce qu'il y a encore des domaines non couverts, comme le système bancaire et la sylviculture.

La Commission européenne vient de proposer d'ouvrir, sous conditions, la voie à l'Ukraine et à la Moldavie pour qu'elles entament des négociations d'adhésion à l'UE (EUROPE 13228/1). Soutenez-vous cette étape vers l'élargissement de l'UE ?

Je pense que sans l'Ukraine, la Moldavie et la Biélorussie ainsi que la Géorgie, le projet européen ne sera pas achevé. C'est pourquoi je suis favorable à l'élargissement de l'UE et, bien sûr, la Biélorussie fait partie de cette famille.

Nous avons lancé la campagne 'Biélorussie européenne'. En fait, les gens ne savent pas que la Biélorussie appartient historiquement à l'Europe. Ce n'est que depuis 200 ans que nous sommes sous l'influence de la Russie. Or, on a l'impression que nous avons toujours été dans cette situation.

La souveraineté et l'indépendance de la Biélorussie ne seront possibles que lorsque nous ne serons plus sous l'influence de la Russie.

Nous comprenons que la candidature à l'UE prendra du temps. Mais nous devons faire germer les graines dans les esprits. Si vous pensez que nous faisons également partie de l'UE, aidez-nous avec votre expertise sur les réformes, les normes que nous devons atteindre à l'avenir ! Pour que le processus se déroule rapidement et sans heurts, nous devons donc l'entamer dès maintenant.

Que diriez-vous à ceux qui pensent que l'élargissement de l'UE va trop vite ?

L'UE est une famille. Les familles les plus grandes sont les plus puissantes. Les gens ne devraient pas penser que les pays non membres de l'UE ne le méritent pas ou qu'ils sont trop éloignés.

Les critères devraient être les suivants : si vous respectez les valeurs - comme les droits de l'homme et l'État de droit -, si vous faites les réformes, vous devriez faire partie de cette famille. Comment pourrait-il en être autrement ?

Nous sommes des travailleurs acharnés qui ne demandons qu'à être prospères. L'Europe nous sert d'exemple. Vous devez donc être fiers d'offrir de telles normes aux pays qui veulent vous ressembler.

Craignez-vous que la guerre entre Israël et le Hamas ne détourne l'attention et l'aide des pays européens de l'agression russe ?

Bien sûr, je suis consciente que la Biélorussie n'est plus au centre de l'attention.

Il reste nécessaire de sensibiliser les gens. J'essaie aussi de leur expliquer, ainsi qu'aux politiciens, que toutes ces crises font partie d'un seul et même puzzle. La Biélorussie, l'Ukraine et maintenant Israël. Nous voyons comment les dictateurs s'unissent pour s'opposer à la démocratie. Leur intérêt est de créer de nouveaux conflits.

La guerre en Ukraine ne sera pas terminée tant que la Biélorussie ne sera pas libre.

Au Parlement européen, en septembre, vous évoquiez la possibilité de délivrer des passeports biélorusses à l'étranger pour les personnes en exil. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Au début de l'année prochaine, nous produirons les premiers exemplaires de nos passeports biélorusses. Nous les enverrons aux gouvernements et nous leur demanderons de les reconnaître.

Dès à présent, nous expliquons aux gouvernements pourquoi c'est important et pourquoi il ne faut pas avoir peur, même si c'est inédit. Cela soulagera les épaules des différents pays où se trouvent des Biélorusses. Nous disposons d'un système de vérification, nous coopérons avec les gouvernements et les institutions qui produisent les passeports et avec la Commission européenne ('DG Near') afin que ce document corresponde à toutes les normes de sécurité. Il ne s'agit donc pas de quelque chose que nous produisons nous-mêmes.

En fait, ce projet a été très bien accueilli en tant que solution possible pour les acteurs politiques qui quittent leur pays et demandent l'asile.

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