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Bulletin Quotidien Europe N° 12671

5 mars 2021
ÉCONOMIE - FINANCES - ENTREPRISES / Entreprises
Dernières tractations au PE sur le devoir de vigilance des entreprises, avant le vote en session plénière
Bruxelles, 04/03/2021 (Agence Europe)

Le Parlement européen se prépare à se prononcer, mardi 9 et mercredi 10 mars, sur le projet de rapport d'initiative législative élaboré par Lara Wolters (S&D, néerlandaise) sur un devoir de vigilance obligatoire au niveau de l’UE qui imposerait aux entreprises de détecter, prévenir et réduire les impacts sociaux et environnementaux de leurs activités tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement.

Fin janvier, le texte avait été adopté à une quasi-unanimité (EUROPE 12645/4) en commission des affaires juridiques (JURI). Mais sera-t-il voté de manière aussi ferme en session plénière ? C’est là toute la question.

Devant la presse, jeudi 4 mars, une partie de l’équipe de négociation du Parlement européen s’est en tout cas affichée unie et confiante quant à l’issue du vote, même si certains points restent encore ouverts.

Lara Wolters s’attendait à une quinzaine d’amendements. À l’heure où nous mettions sous presse, 28 amendements avaient été déposés.

La députée Marie Toussaint (Verts/ALE, française) nous a expliqué, mardi, qu’il y avait eu un accord informel entre les groupes politiques pour ne pas déposer beaucoup d’amendements afin de « maintenir l’esprit général du texte » adopté en commission JURI. Le groupe Verts/ALE n’a d’ailleurs déposé aucun amendement individuel.

Un amendement commun des groupes PPE, S&D, Verts/ALE et Renew Europe a notamment été rédigé pour préciser que les sociétés couvertes par la future directive ne devraient pas répercuter les obligations de diligence raisonnable sur les fournisseurs.

De leurs côtés, les groupes CRE et Identité et démocratie ont déposé des amendements pour exclure complètement les PME du champ d’application de la future directive. Notons que le groupe CRE a proposé de soumettre également les ONG financées par des fonds publics à ce devoir de vigilance.

Il reste un point d’interrogation, a admis Lara Wolters, sur la possibilité, en cas de dommage causé par une entreprise européenne dans un pays tiers, d’appliquer la loi européenne dans les tribunaux européens.

Deux amendements ont en effet été déposés en ce sens par les groupes S&D, Renew Europe, Verts/ALE et La Gauche, afin d’éviter que les entreprises puissent choisir la loi qui leur serait la plus favorable. Aux yeux de Pascal Durand (Renew Europe, français), cette disposition est essentielle et constituerait un réel « bouleversement positif ».

Néanmoins, selon certains de nos interlocuteurs, cette proposition rencontrerait une forte opposition de la part du PPE, qui aurait même menacé, à un moment, de voter contre le rapport, si elle était intégrée au texte final.

Jeudi, le député allemand Axel Voss, négociateur pour le compte du PPE, a indiqué avoir encore « quelques problèmes avec certains amendements ». Les questions en suspens devraient, selon lui, être réglées lundi 8 mars, juste avant le vote, donc. « Il s’agit juste d’une discussion sur une question de contenu, mais cela ne signifie pas que nous ne soutenons pas le rapport », a-t-il précisé.

« Une victoire contre la mobilisation des lobbies »

L’équipe de négociation du PE l’a reconnu, ces derniers jours, leurs boîtes e-mail ont été inondées de messages provenant d’organisations et d’entreprises d'horizons très divers.

À tel point que la députée française Manon Aubry, qui négocie pour le compte de La Gauche, a estimé, en conférence de presse, que ce texte constituait à la fois une « victoire contre l’impunité des entreprises » et une « victoire contre la mobilisation des lobbies ».

La semaine dernière, la députée avait lancé une campagne citoyenne pour dénoncer justement le lobbying intensif autour du texte (EUROPE 12665/28), notamment de la part de BusinessEurope et de l’Association française des entreprises privées (Afep).

« Non seulement nous n’appelons pas à voter contre le rapport d’initiative du Parlement sur le devoir de vigilance, mais nous soutenons, au contraire, une future proposition législative de la Commission en ce domaine, dès lors qu’elle veille à établir des conditions égales de concurrence, notamment en incluant dans son champ d’application les entreprises d’États tiers fournissant des biens et services en Europe, et qu’elle définit précisément les obligations auxquelles les entreprises seront assujetties afin de garantir une sécurité juridique », a tenu à rectifier le directeur général de l’Afep, François Soulmagnon.

Plusieurs entreprises ont déjà pris position publiquement sur ce sujet. C’est notamment le cas d’Adidas, qui s’est traditionnellement montrée en faveur d’une telle initiative. « En tant qu’entreprise opérant à l’échelle mondiale, nous sommes favorables à des normes unifiées et souhaitons que les règles du jeu soient les mêmes pour tous », a déclaré Frank Henke, vice-président chargé des questions de durabilité pour l’entreprise, lors d’une conférence en ligne organisée par la Fédération européenne de l'industrie des articles de sport (FESI), mercredi 3 mars.

Il a néanmoins appelé les législateurs européens à rester pragmatiques. « L'obligation de protéger les droits de l'homme incombe avant tout à l'État. Cette initiative obligatoire ne peut s'y substituer », a-t-il ajouté, en faisant référence aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

La balle est dans le camp de la Commission

Une fois le rapport du PE adopté, la balle sera dans le camp de la Commission, qui doit présenter des propositions législatives en juin. « La Commission a promis de ne pas ranger notre rapport dans un tiroir quelque part », a d’ailleurs souligné Lara Wolters.

Jeudi, lors d’une conférence en ligne organisée par Global Witness, le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, a confirmé que la Commission avait l’intention de proposer des textes ambitieux, qui feront une vraie différence sur le terrain, à la fois sur les devoirs des directeurs d'entreprises et sur un devoir de diligence raisonnable dans les chaînes d'approvisionnement.

La Commission est actuellement en train d’analyser les résultats de la consultation publique sur ce sujet, dans le cadre de laquelle elle a reçu près d’un demi-million de réponses.

Elle réfléchit notamment à la façon de définir les PME à haut risque et si les futures règles devront s’appliquer aux entreprises des pays tiers opérant dans l’UE. Elle examine aussi la mise en place d’un régime de responsabilité civile et de supervision administrative, a-t-il précisé.

M. Reynders a espéré que le rapport de Lara Wolters obtiendra un large soutien la semaine prochaine en session plénière. Le même jour, plusieurs organisations de la société civile, dont Global Witness et Oxfam, ont également appelé les députés européens à voter massivement en faveur de ce rapport pour envoyer un signal fort. (Marion Fontana)

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