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Bulletin Quotidien Europe N° 12584

20 octobre 2020
POLITIQUES SECTORIELLES / Agriculture
« Ce qui est sur la table n’est pas une véritable réforme de la PAC, c’est une réforme administrative », estime Éric Andrieu
Bruxelles, 19/10/2020 (Agence Europe)

L’eurodéputé rapporteur sur l’organisation commune de marché (OCM), Éric Andrieu (S&D, français), estime, dans un entretien accordé à EUROPE samedi 17 octobre, que les propositions sur la politique agricole commune (PAC) post-2020 ne correspondent pas aux enjeux climatiques. Il se demande aussi pourquoi voter à la hâte cette semaine (propos recueillis par Lionel Changeur).

Agence Europe - Comment voyez-vous les choses avant le vote ‘marathon’ de cette semaine en plénière sur la PAC post-2020 ?

Éric Andrieu - Je ne comprends pas pourquoi on doit aller vite maintenant. Je ne vois pas la nécessité de cette accélération sur la réforme alors qu’il y a de gros débats dans nos familles politiques respectives et que les mesures transitoires sont en passe d’être adoptées (pour 2021-2022).

Pourquoi allez-vous voter contre le compromis PPE, S&D et Renew Europe sur les plans stratégiques de la PAC ?

Depuis 2018, je considère que la proposition de la Commission n’est pas à la hauteur des enjeux. Il y a un vrai danger de renationalisation de la PAC. Au lieu de donner de la force à une réforme commune, on est en train de redistribuer des petits pains aux 27 États membres. Le compromis prévoit 30% pour les écorégimes, mais on ne sait pas ce qu’il y a derrière cela. On va exacerber les distorsions de concurrence et faire éclater la politique communautaire. Il faudrait au minimum imposer des critères au niveau européen.

Sur le ‘modèle de mise en œuvre’, deux logiques s’affrontent. Il y a ceux qui veulent garder le système de conformité et ceux qui soutiennent le passage à un système de performance. De quel côté penchez-vous ?

Je soutiens le compromis (PPE, S&D et CRE). Cela ne me paraît pas raisonnable d’imaginer que la Commission abandonne le contrôle d’un des principaux budgets de l’UE. Ce qui est proposé est une simplification en trompe-l’œil, qui consiste à transférer aux États membres la responsabilité du contrôle de la conformité lors de la distribution des aides. La simplification ne profitera ni aux États membres, ni aux agriculteurs, mais uniquement à la Commission. Pour être certains de ne pas perdre de l’argent, les pays vont se fixer des objectifs minimaux.

Il aurait fallu faire l’inverse.

Comment la PAC pourrait-elle mieux répondre aux impératifs du pacte vert européen ? Pensez-vous qu’il s’agit plus d’un toilettage que d'une réforme ?

Selon moi, ce qui est sur la table n’est pas une véritable réforme. C’est une réforme administrative. Il est proposé de transférer aux États membres la mise en œuvre de la PAC. Il est suggéré, en réalité, de passer de 30 à 35% seulement de paiements verts du second pilier (développement rural). Où est le changement structurel et profond ? La stratégie ‘de la ferme à la table’ fixe un objectif de 25% de surfaces en agriculture biologique en 2030. Or, la proposition ne contient rien de plus pour encourager le bio. Le groupe S&D va proposer un amendement visant à inciter les producteurs à faire du bio, et, en cas de problème de marché, il serait possible de compenser la différence entre le prix de l’agriculture conventionnelle et le prix du bio.

De la même manière, si on veut capter le carbone, il faudrait financer réellement les prairies permanentes. La question du pastoralisme est importante aussi. Il faudrait valoriser l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), au lieu de la réduire.

Dans votre rapport, deux sujets restent ouverts : la dénomination des viandes pour les produits à base de végétaux imitant la viande et les modalités de gestion de la production en temps de crise. Quelle est votre approche ?

Sur la dénomination, il n’y a pas d’accord pour le moment entre les groupes : le PE est divisé : il y a les pro-protéines végétales et les pro-protéines animales. J’ai proposé d’abord des principes, à savoir permettre une information juste du consommateur et traiter de manière équitable le secteur des protéines végétales et celui de la viande. Il y a des trous dans la raquette législative sur la dénomination commerciale de la viande.

Ma proposition : la Commission européenne devrait compléter cette législation et clarifier ce qu’est la viande, les découpes de viande, les morceaux de viande, les préparations et les produits à base de viande, et notamment établir une liste claire des morceaux de viande dont les dénominations doivent être réservées aux viandes.

Des dérogations seraient possibles lorsque la dénomination est connue, traditionnelle ou évite la confusion (steaks et burgers). Pour les dérogations des produits à base de protéines végétales (steak de soja, burgers végans), la dénomination de vente devrait mentionner ‘sans viande’.

S’agissant de la gestion en temps de crise, il faut sortir du mythe disant que les marchés s’autorégulent. La crise actuelle de la Covid le montre. La Commission doit définir des stratégies d’action et rendre compte chaque année, auprès du Conseil et du PE, de l’évaluation de ces travaux sur la gestion des marchés. Il faut élargir à tous les secteurs le rôle de l’observatoire des marchés. Le seul élément qui n’a pas été voté à ce stade, et que je vais proposer à nouveau dans un amendement en plénière, est le retrait obligatoire des produits en cas de crise grave (le retrait facultatif a été accepté).

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